Chapitre 55

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Si le savoir est une arme et que les mots sont ses munitions, gare au monstre qui sait parler et écrire.



Subjuguée, la subordonnée tendit sa prise de guerre à son collègue qui comme elle, étira ses traits en une moue de ressentiment.

De deux mains tremblantes, il saisit les anses du sac et leva des yeux incrédules vers Anatole.


" Qu'est-ce que c'est que ça ?

- Des recueils encyclopédiques écrits par mes soins, répondit-il la tête basse, terrifié à l'idée qu'on lui les prennent.

- Des quoi ? demanda-t-il à nouveau en analysant l'un des pavés sous chacun de ses angles.

- Des livres. Ce sont des livres. C'est plutôt évident, non ? "


François avait répondu à la place de son ami, s'avançant de quelques pas pour entrer véritablement dans le dialogue.

Les quelques sbires qui entouraient Scott éclatèrent en un rire commun qui aurait pu faire se sentir n'importe qui comme un attardé.

Leur chef, lui-même, échappa un rictus mal placé qui fit rebondir le verre reposant toujours contre sa pomme d'Adam.

Déconcertée par cette absence de prise au sérieux, Salomé finit même par reculer, comprenant ainsi que sa violence n'allait plus permettre de régler leurs problèmes.

L'insupportable mâle alpha se redressa sur ses jambes, et quitta le bar qu'il avait rejoint en effectuant trois pas vers ce rouquin qui ne payait pas de mine. Puis, il se racla la gorge pour obtenir le silence, malgré les prunelles noisette brûlantes de haine qui restaient posées sur lui par précaution.


" Expliquez-vous, gamins. Qu'est-ce que vous foutez avec des bouquins ?

- Pour le feu. C'est bon ? Tu vas nous laisser tranquilles un peu ? cracha l'aînée du groupe.

- Pas du tout, arrête de lui mentir. Pour rien au monde nous ne prendrions le risque de brûler ces ouvrages. Ce sont des notions qui se perdent, voyez-vous ? commença le meneur.

- François, qu'est-ce que tu fais ? tenta de l'alpaguer Alice.

- Ta gueule, toi ! Laisse-le parler, rugit le chauve en la pointant du doigt. "


Tous les regards étaient tournés vers la brute et le jeunot au visage moucheté, excepté celui de la tenancière et des derniers clients apeurés qui en avaient profité pour s'échapper.


L'Illuminé avala bruyamment sa salive, signe apparent de son stress difficile à refouler. Après quelques secondes d'absence, il indiqua d'un geste vague la besace de son frère de cœur.


" Après tout... ce serait dommage que les connaissances de notre belle civilisation tombent dans l'oubli, n'êtes vous pas d'accord ?"


Scott paraissait difficile à convaincre, toutefois la façon dont il penchait vaguement la face sur le côté en plissant les yeux laissait croire qu'il était intéressé malgré sa méfiance.

Alors, pour tenter de mettre son stratagème en place, le garçon dût insister.


" Allez-y, feuilletez donc." dit-il le plus innocemment possible.


Du point de vue du clan d'en bas, et en particulier de celui d'Anatole, la scène était des plus lunaires : le mercenaire tenait le carnet du bout des doigts avec un air précautionneux. Ses sourcils s'étaient abaissés de suspicions, et en regardant de plus près, on aurait presque pu deviner ses lèvres trembler d'angoisse.

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant