L'éveil des Illuminés

Chapitre 5

Le grand effondrement commence au moment précis où des forces plus puissantes que l'Homme décident que c'en est trop. 

Personne n'avait vu venir le coup de cet agresseur masqué. Celui qui avait fait naître le jour à l'aube des temps, celui qui était si fidèle et qui n'avait plus jamais été remercié: le soleil entre dans une colère flamboyante. Il crie si fort que ses cheveux se dressent sur sa tête. Sa rage explose hors de son corps, répandant toute sa haine sur notre modeste planète.

Cette activité solaire anormale détruit le monde d'hier. La toile connectée qui reliait les gens se décompose en une fraction de secondes. 

Le cours de l'argent s'effondre en un instant, supprimant immédiatement l'une des maladies de la société. Les ampoules des ruelles éclatent. Les télévisions grillent. Les voitures s'arrêtent en plein milieu de l'autoroute et les avions s'écrasent dans l'océan pour rejoindre les poissons. Désormais, il faut inévitablement utiliser la force mécanique et cela, encore, s'il y a un après.

Complètement perdus face à ce changement de quotidien brutal, les hommes modernes, privés de tout leur confort de vie, oublient presque que quelques milliers d'années auparavant cette norme était la leur. 

Leurs mains étaient taillées pour travailler, construire et imaginer. Leur cœur était fait pour aimer et partager, aider et rire. Leur âme était faite pour être.

Dans une bibliothèque à moitié carbonisée, une poignée de livres noircis se meurent sur le plancher. Ils racontent des histoires de nomades aventureux et de guérisseuses enchantées dans une langue que tout le monde a oubliée. Ils décrivent des vieillards qui se changeraient en oiseaux pour partir vers le ciel. Cette page pourtant bien cachée dans les décombres d'une société mourante finit par atterrir dans de mauvaises mains.

« Tiens c'est étrange, c'est exactement ce dont on a besoin. » se dit le curieux.

Ces mots de légendes anciennes vont à un autre, qui les fait passer à un autre encore, qui fait de même, et ce jusqu'à tomber sur une annonce croustillante :

« J'ai déjà entendu parler de ces gens. Mon grand-père me racontait sans cesse cette aventure de sa jeunesse. Paraîtrait qu'il avait rencontré une fille d'une beauté à couper le souffle. Une drôle d'excentrique qui aurait vécu dans une cabane je ne sais où. Il disait toujours qu'elle avait une perception extrasensorielle. Elle pouvait entendre ses moutons souffrir à des kilomètres et savait toujours quand il allait pleuvoir. Un jour, il s'est brûlé la main si fort qu'il avait manqué de rester collé sur la vitre du poêle et par son simple toucher, elle avait fait disparaître la plaie ! Le lendemain, lorsqu'il était revenu, elle était partie. »

Peu de temps après, des rumeurs commencent à circuler dans ce qui reste de l'Amérique du Nord. Un groupe de voyageurs suspects semblent s'être établis sur la côte Ouest. 

On les appelle... les Illuminés... ou quelque chose comme ça. 

Ils ont été aperçus de loin, avec leur caravane de charrettes et leurs ânes assoiffés, tous vêtus de lin beige, laissant sous-entendre de toute évidence qu'ils appartiennent à la même unité. 

Et le pire, c'est que chaque fois qu'ils s'enracinent quelque part, le sol se tapit d'herbe bien grasse et de fleurs colorées, attirant un ballet somptueux de papillons. Il paraîtrait qu'ils ne tombent jamais malades, eux, et même qu'ils ont des enfants. On dit même qu'ils tirent leur puissance du cœur de la Terre. Un sourire serein insupportable est affiché en permanence sur leurs visages épanouis et c'en est trop : des divisions armées seraient envoyées pour exploiter cette nouvelle ressource.