Chapitre 51

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Celui qui pleure parmi la foule n'est pas pour autant le plus souffrant.

 
Toutefois, les larmes que l'on ne peut prévenir sont souvent les plus sincères.
Elles sont incontrôlables, sans eaux, ni sel, incolores et pourtant si douloureuses.

Et de ces yeux verts coulaient des fleuves immenses capables de changer le désert en oasis.



François revenait au monde.

Chaque fois qu'il en apprenait plus sur ce garçon, il découvrait une nouvelle facette de sa propre personnalité.
Il se sentait si différent à son éveil, qu'il avait l'impression d'avoir affaire à un inconnu dont il devait tout apprendre.
Il commençait alors à comprendre peu à peu toute la souffrance qui accompagne le cadeau de la renaissance.

Sa vision était encore troublée par sa perte de conscience. 

Mais grâce aux talismans azur qui luttaient contre la nuit, il pouvait apercevoir le soulagement apparaître sur les visages qui l'entouraient.


Alice se mit à rire nerveusement tandis qu'elle essuyait ses joues humides.
La tête reposant sur les genoux de Ricardo, il crut reconnaître le contact de ses larges paumes serrer affectueusement ses épaules.
Même Salomé dut cacher un sourire par pudeur, avant de s'écarter rapidement de celui qu'elle veillait.

Cependant, l'expression qui le marqua le plus, c'est celle qui traversa le regard de son vieil ami.
Anatole n'était pas quelqu'un d'expressif, ses traits restaient habituellement de marbre puisque c'est à l'intérieur que ses émotions se déchaînaient.
Cette lueur mouillée qu'il avait au fond de l'œil ce soir, il ne l'avait jamais aperçu chez lui auparavant.

À croire qu'il n'était pas passé loin, cette fois-ci.


Petit à petit, l'aura majestueuse que projetaient leurs cristaux s'affaiblit, et ce jusqu'à disparaître, emmenant avec elle l'agréable courant d'air chaud. Seule celle de François ne cessait de briller légèrement.

La scène se retrouva à nouveau plongée dans la pénombre, laissant à peine la possibilité de discerner les contours des formes.


" Que s'est-il passé ? demanda vivement l'ainée dont l'expression compatissante des traits était désormais dissimulée.

- Sapristi, laisse-le donc un peu respirer ! Tu vois bien qu'il a vécu l'enfer ! s'agaça Alice.

- Comment le saurais-je, il était juste ici ? répondit elle alors qu'elle pensait en réalité "Je sais, c'est pour cela que je m'en inquiète."

- François... tu nous as fait une peur bleue. As-tu encore mal ? le questionna Anatole d'une voix douce.

-A...attend une seconde. " répondit-il.


Encore choqué par l'expérience intense de sa vision, il se redressa lentement, exerçant une pression sur son abdomen avec appréhension. Il fut soulagé de constater l'absence de quelconque symptôme : la douleur avait disparue.

Aussitôt, il pensa au sixième élu, et à l'état misérable dans lequel il avait dû le laisser.

Malgré son inquiétude encore présente, il se força à croire que son mal-être avait disparue, puisque de son côté, il s'était réveillé sans aucunes traces de malheur.

Peut-être même qu'il s'était réveillé lui aussi.

La question restait : était-il en sécurité avec cet homme, déjà apparu dans ses rêves auprès d'un personnage indigne de confiance ?

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant