Chapitre 52

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On naît à l'état brut et on meurt authentique.
Le reste de notre vie est passé à feindre d'être quelqu'un d'autre dans un monde où tout être se cherche.
Seules les épreuves rudes révèlent les belles aspérités de l'âme.


Voilà bien longtemps que ces deux-là n'avaient pas montré le vrai visage de leur amitié.
Si longtemps que dans les souvenirs de Salomé aucun d'entre eux n'arrivaient au garrot d'un lama.
Ces brides de mémoire revenaient à la jeune femme comme si c'était hier, surtout cette scène qui avait tout particulièrement marqué son enfance :


Cette belle époque, où l'herbe avait été haute, grasse et bien verte.

Ses petits pieds avaient foulé chaque jour le sentier qui longeait la paroi rocheuse, esquivant habilement les reliefs coupants qu'elle connaissait par cœur à force de répétition. À la recherche d'une discrétion parfaite, elle n'avait dû faire trembler aucunes feuilles après son passage.

Elle se voyait encore sauter par-dessus les crevasses et s'envoler comme un oiseau, grimper jusqu'au ciel de pierre par les lianes qui se balancent.


Elle aurait dû se sentir libre pourtant, ce n'était pas le cas.


Car dans un coin, caché entre les fleurs colorées, la mante religieuse Rosalia ne l'avait jamais perdu de vue.

Ô combien de fois elle avait voulu rejoindre les autres enfants ?

Mais sa vie n'avait été faite que d'ordre et de discipline.

Elle avait eu la chance de tomber sur l'une des part de Kimchi qui éduquait son œuf de l'éclosion à l'envol, toutefois elle en avait payé le prix.


Lorsqu'elle avait souhaité troquer sa routine pour une fantaisie quelconque, il n'en était pas question.
Lorsqu'elle aurait aimé exprimer un ressenti difficile à contenir, c'était inimaginable.
Et si par malheur, il lui avait pris l'envie de sortir du cadre qui lui avait été conseillé, c'était pire encore.


Alors quand elle les avait vus tous les deux, Anatole et François, trébucher et plaisanter, se prélasser et apprendre ensemble, elle avait détourné le regard.

Au final, Salomé avait même fini par changer son trajet, et par la suite, elle avait toujours évité le pré où l'herbe était haute, grasse, et bien verte.


" Anatole. Tu n'es pas concentré, admit le meneur.

- Si, c'est toi qui ne fait qu'être distrait !

- Pas du tout. Je fais de mon mieux pendant que tu te rappelles notre enfance, se plaignit-il en secouant ses boucles rousses.

- Hein ? Mais ce n'est pas ce que je fais ! Mon esprit est vide, je ne fais que te montrer mes mains comme tu me l'as demandé. Allez, essai à nouveau. Combien de doigts ? demanda-t-il à François qui avait couvert ses yeux avec sa paume.

- Ce n'est pas moi qui pense à ça, je te le jure ! "


L'éclaireur regarda donc autour de lui avec un air confus, jusqu'à croiser le regard triste de l'aînée qui camoufla rapidement sa peine en s'installant de nouveau à la barre.

Tiens donc...

Elle n'était pas si dure que ça, finalement.

Le duo iconique avait pris place à l'arrière du char et cela faisait des heures qu'ils s'appliquaient à réussir un jeu on ne peut plus difficile.

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant