Chapitre 2

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Les talons de Mme Viat claquent sur le sol en pierre, résonnant dans l’espace. Elle nous présente à l’accueil, attendant que le son strident du grillage qui nous bloque l'entrée nous indique que le passage est ouvert. Puis je marche derrière elle, faisant traîner mon bagage dans mon dos, telle une âme cherchant un corps à habiter. Abîmée par la vie. Brisée par tous ceux qu'elle considérait. Je navigue entre les couloirs jaunes fades, toujours plus longs, toujours plus fins. Seul le bruit des roues en plastique sur les pavés ainsi que nos pas comblent le silence de ce lieu qui semble inhabité.

Lorsqu'elle s'arrête enfin, je relève la tête et découvre une porte en bois d’un bleu très clair. Mes yeux croisent ceux de ma sœur qui semble éteinte, bien qu’elle veuille se montrer forte. Mme Viat tourne délicatement la poignée pour dévoiler mon nouveau lieu de vie. Temporaire, c’est certain. Pour combien de temps ? Nous ne le savons pas encore.

Pour commencer, nous traversons un jardin avant d'atterrir dans la pièce de vie. Nous sommes accueillies par une jeune éducatrice qui me fait visiter les lieux. De la cuisine, au salon, jusqu' à la salle de bains. Pour finir, elle ouvre la dernière porte du couloir menant aux chambres. La N°14. Celui du jour de ma naissance et peut-être de ma renaissance. J’y découvre un lit au milieu d’une pièce sans vie, avec une armoire et une vasque. Même le miroir, accroché au-dessus de l’évier terne, ne donne pas envie de se regarder dedans. C’est comme s’il avait déjà vu un milliard de visages avant le mien, implorant de sortir de cet endroit, de cette chambre.
— On va te laisser t’installer. Gaëlle, vous pouvez rester avec elle, mais ensuite, il faudra vous dire au revoir.
Je hoche la tête, avant qu'elle ne referme la porte derrière elle. Mme Viat est également partie, certainement à d’autres occupations, pour d’autres jeunes, me laissant ici, sans repères et pleine de failles.

Lentement et dans un silence de mort, nous déposons mes affaires dans les meubles, afin que le départ soit le plus loin possible. Pourtant, il est inévitable. La glissière de ma valise coulisse dans un bruit sourd. Nos yeux se fixent, nos souffles s’accélèrent et nos bras se rejoignent dans une étreinte qui se veut éternelle.
— Je suis désolée Marie, de ne pas pouvoir vous sauver.
Et nos larmes jaillissent, dévalent sur nos joues, comme des torrents qui se déchaînent lors d’une tempête.
Pourtant, j’aurais souhaité lui dire :
Ma sœur, tu ne m’as pas sauvée, mais tu m’as aimée, et c’est bien plus qu’ils n’ont fait. L’amour naît dans la famille et tu es ma famille. Ma seule famille.

Mais ma bouche se défile, balance tout dans ma gorge et dans mon ventre, pour remonter jusque dans le coin de mes yeux.
C’est donc ça la sensation d'être abandonnée ?

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