Chapitre 26

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Depuis quelque temps, la question qui revient sans cesse n’est autre que celle-ci : que vais-je faire l’an prochain ?
Certes, mon diplôme en poche, je pourrais éventuellement aller au lycée pour continuer mes études. Malheureusement, à seize ans, je ne me vois pas rester assise durant huit longues heures interminables, à écouter des cours dont la plupart ne m’intéressent même pas. J’aime me cultiver, mais j’aime que le sujet soit choisi par mes soins, pour m’y plonger entièrement.
Entre autres, le lycée ne fait pas partie de mes options.
Alors, parée de mon minuscule curriculum vitæ, qui ne contient que ma semaine de stage de troisième dans un atelier de céramique, je pars à la recherche d’un patron qui m’accueillera durant deux ans. Je n’en ai imprimé qu’un, sachant déjà où le déposer.

Momo m’avait parlé d’un magasin de beaux arts et de loisirs créatifs qui, pour la première fois, recherchait un apprenti en vente.
Ma grand-mère maternelle étant artiste peintre, j’ai baigné dans la création dès mon plus jeune âge. C’est d’ailleurs ce qui m’anime le plus : utiliser mon cerveau pour créer, sans codes ni limites.

Je passe donc un premier entretien qui se passe parfaitement bien. La semaine suivante, la patronne me fait revenir afin que je rencontre son associée et le courant passe agréablement bien également. À peine ai-je le temps de faire le trajet entre Rodez et le Clapas qu’un coup de téléphone retentit, m’indiquant que ma candidature a été retenue.
Se pourrait-il que la chance soit avec moi ?

Je profite de deux courtes semaines de vacances avant de débuter mon emploi dans cette immense boutique qui contient tout ce dont nous avons besoin pour laisser vivre notre imagination : peintures, pinceaux, crayons, fusains, toiles et j’en passe. C’est un immense terrain de jeux qui m’enchante dès que je passe la porte d’entrée. Je découvre les rayons par thème et m’applique à retenir les explications que me donnent mes collègues, pour certaines techniques, afin de les présenter aux clients.
Je me rends vite compte que j’ai déjà testé plus de la moitié des produits du magasin étant enfant, durant mes vacances chez ma grand-mère. Mes connaissances m’aident dès les premiers jours, ce qui plaît énormément à mes patronnes.

Toutefois, le rythme s’avère très fatiguant ! Je travaille du lundi au samedi, de dix heures à dix huit heures, avec deux heures de pause à midi, mais malheureusement, je dois me lever tous les matins à cinq heures et je ne peux rentrer qu'à vingt-deux heures au foyer, par manque de train.

Momo m’informe que si je tiens bon jusqu'à fin août, il me prendra un appartement directement sur Rodez pour que je sois sur place, que ce soit pour le travail ou pour ma semaine au CFA, qui se trouve dans la même ville.
Encore une fois, cet homme n’ayant qu’une parole, j’emménage dans mon studio début septembre, pile avant le début des cours.

L'école débute rapidement. Je me retrouve avec des copines qui travaillent dans la même zone artisanale que moi, que j’ai rencontrées durant l'été, de ce fait, je me sens tout de suite intégrée. Les cours sont totalement axés sur notre corps de métier, je me rends vite compte que tout ce que j'apprends m’intéresse réellement, bien que ce soit les semaines au travail qui me conviennent le plus. Je jongle d’une semaine à l’autre entre les rayons de peinture et les cours de vente. Je m'étonne moi-même de mes résultats qui s'avèrent être excellents, même en mathématiques où ma moyenne est de seize sur vingt ! On croirait à une blague !

Les mois défilent à une vitesse folle, sans même que je m’en rende compte. Je fête mes dix sept ans au restaurant avec des amies, tandis qu’à Noël, me retrouvant seule, Momo m’invite dans un restaurant très chic de Rodez, dans lequel nous dévorons tous les plats qui y sont proposés, finissant le repas avec une belle coupe de champagne et la panse pleine. Nous sortons nous balader dans les rues de ma ville de cœur, contemplant les décors scintillant qui illuminent nos cœurs.
— Merci Momo, pour tout.
Il me prend dans ses bras tendrement.
— Joyeux Noël, ma fille.

•••

24 décembre 2002, Nogent-sur-Marne, 6 ans,

Manteau sur le dos, gants aux mains et écharpe autour du cou, je m’amuse à écouter le bruit que font mes pas, quand je m'enfonce dans la poudreuse, lorsque mon frère interrompt mes pensées.
— Regarde Marie, on dirait un lion ! me montre Célestin, pointant du doigt des étoiles dans le ciel, rejoignant les points pour former un animal.
— Mais non ! C’est un ours ! rigolé-je.
Nos pieds s’enfonçant dans la neige, nous nous promenons dans le quartier, cherchant désespérément le Père Noël. Accompagnés de tous nos frères et sœurs, sortis pour nous aider, nous gardons la tête levée pour ne pas le louper.
La main de Gaëlle vient frictionner nos cheveux, avant de nous indiquer que nous rentrons.
Triste de ne pas avoir vu le traîneau, je passe la porte de la maison sans conviction.
Pourtant, “vive le vent” retentit à l’intérieur, constatant avec surprise que sous le sapin un tas de cadeaux nous attendent.
Nous les ouvrons, laissant du papier kraft joncher le sol, découvrant avec satisfaction tout ce que le bonhomme rouge a apporté.

Il me semble que c'est le dernier Noël que nous avons passé tous ensemble, avant que notre famille éclate en mille morceaux.
Je ne me souviens d’aucun cadeau reçu ce soir-là, seule la présence de mon frère me réconforte dans cette réminiscence, comprenant à ce jour qu’il a été la chose la plus précieuse qui m'a été offerte dans la vie.

Je n'avais besoin de rien d’autre que lui.



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