Chapitre 8

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Juillet 2010, Paris, 13 ans,

Ces derniers temps, je tente de mieux me comporter. À vrai dire, je n’ai pas vraiment le choix. Pour me punir, ils m’ont envoyé deux semaines en Vendée, dans une famille d’accueil. Sans réseau ni téléphone, en pleine campagne. Pour seul voisin, des vaches et un ruisseau. Dans l’ensemble, ça se passe à merveille. Mieux que ma première expérience. L’endroit est magnifique. La dame qui me loge est d'une gentillesse pure, essayant tant bien que mal de me mettre à l’aise. L’avantage est que je suis venue avec une amie de mon groupe, me rassurant dans ma solitude. De son côté, elle accueille déjà deux adolescents à l’année. Ce qui fait une bonne harmonie entre nous, que j’apprécie au fil des jours. Le temps est à son comble. Le soleil chatouille mon épiderme toute la journée. La nuit, l’air est frais. C’est d’un calme reposant qui me fait un bien fou et dont j’avais grandement besoin. Je regrette même de partir si tôt, mais l’été bat son plein et ils ont d’autres projets me concernant.

En rentrant au foyer, Céline m’annonce qu’il faut que je déménage de ma chambre pour m’installer dans une nouvelle, collée au bureau des éducateurs. Il m'est donc devenu impossible de fuguer. C’est pour ton bien…
Je n’ai plus la vue sur l’extérieur de la ville, mais sur notre jardin intérieur. Bizarrement, c’est moins calme. Les nuits d'été étant chaudes, je ne ferme que mes volets, laissant l’air frais s’infiltrer dans la pièce. Moi qui ai tendance à dormir tard le matin, je me fais emmerder par les filles qui fument leur clope, parlant bien trop fort à mon goût, pour que mon humeur massacrante se réveille en même temps que moi.

Ça fait déjà cinq mois que je suis ici et les éducateurs m’ont proposé de partir en voyage dans un camping durant deux semaines, évidemment, toujours en compagnie du groupe.
L’heure est donc aux vacances, au repos et à l’ambiance d'été ! Je profite peu de la piscine, n'étant pas à l’aise avec l'idée de me mettre en maillot de bain, mais participe un maximum aux activités proposées. Je m’amuse comme une dingue avec les filles, ayant un mobile home rien que pour nous. Les éducateurs sont moins stricts, souhaitant nous laisser un peu de zèle. Alors, la musique à fond, nous profitons de notre semi-liberté pour vivre notre adolescence comme il se doit. Libérant mon esprit de toutes ses ondes négatives, en dansant et chantant sur la terrasse de notre petite habitation temporaire.
Encore une fois, les deux semaines passent à une vitesse folle. Il est déjà l’heure de rentrer au foyer, de retrouver notre vie morose d’enfants pas normaux, qui ne nous manquait pas.

Déposant mes affaires sur mon lit, je découvre une carte postale de Nathalie, la femme qui s’occupe de nous lors des activités manuelles. Ses mots me touchent profondément, à m’en faire couler des larmes, de bonheur et de tristesse. C’est un adieu définitif. Dans quelques jours, cet endroit que j’occupe depuis bientôt six mois devra être vidé de mes affaires pour laisser la place à quelqu'un d'autre.
La peur m’envahit, mais l’excitation aussi. J’ai fini par m’attacher à ces gens, à ces murs. On sait ce qu’on quitte, mais on ne sait pas ce qu’on gagne.
Qui saurait me dire ce que la vie me réserve ? Je marche sur des braises depuis le premier jour. N’est-il pas légitime que mes craintes prennent le dessus ? Suis-je prête à tout recommencer, repartir à zéro, dans un nouveau lieu, avec de nouveaux inconnus ? Moi qui ai tant de mal à m’intégrer…
Tu n’as pas le choix…

•••

6 septembre 2010, Paris, 13 ans.

— Ne laisse pas les gens te marcher dessus Marie. Ne les laisse pas te changer. Tu es une belle personne, mais tu te laisses vite submerger par tes émotions en suivant les conneries des autres. Allez, viens là ma belle.
Joignant le geste à la parole, Céline me prend dans ses bras, dans une étreinte longue et rassurante.

Peut-on dire que je démarre la deuxième étape de cette nouvelle vie ?

Je la regarde s’éloigner pour reprendre le chemin inverse, tandis que mes nouveaux éducateurs prennent le relais. Ils m'installent dans la même chambre qui m’avait été attribuée lors de mon weekend de test, que je vais officiellement occuper avec une jeune. Un tee-shirt, que je reconnais comme étant le mien, a été lavé et repose sur mon lit, plié en quatre. La peur m’envahit soudainement en regardant la pièce divisée en deux. Je n’ai jamais partagé ma chambre avec quelqu'un d'autre que Célestin. Depuis mes sept ans, j’ai eu la chance d'avoir une chambre rien qu'à moi, au troisième étage de la maison familiale, me laissant une intimité qui me procurait calme et solitude, deux échappatoires bienvenues dans ma vie si tourmentée. Mes parents ne sont que rarement montés dans ma pièce. Ils ne m’ont d’ailleurs jamais battue à l’intérieur. Cet endroit était ma bulle à moi, que personne ne pouvait briser. Personne, sauf lui.
Mon souffle s’accélère soudain. Je ne connais personne ici. Et si les garçons tentaient des choses sur moi ? Remarquant qu’un verrou est vissé à la porte, j’essaie de me rassurer.
Inspirer.
Expirer.
— Hey, tu me suis, je vais te présenter au groupe, m'interpelle Aurélie, ma nouvelle référente, après avoir ouvert la porte.
Je prends une grande inspiration avant de me lever de mon lit et la suis, sans dire un mot.

Transparente.
Transparente.
Transparente.


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