Chapitre 10

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L’ambiance est pesante. Alors que Célestin est d’une grande impatience à l'idée de me raconter tout ce que j'ai manqué, de leur côté, ma mère est assise à sa place habituelle, toujours un verre à la main, tandis que mon père ne daigne même pas venir me dire bonjour. Sympa l’ambiance.
— T’es d'accord ? Dis oui, allez ! m'implore mon frère, me coupant dans mon analyse.
— Oui, si ça te fait plaisir, on y va tout à l’heure !

Je grimpe les étages pour accéder à ma chambre. Rien n’a bougé. Pas même la lettre d’adieu que j’avais faite à mes géniteurs. L’ont-ils seulement lu ? Ça n’a plus d’importance. Je la mets en boule et la jette violemment dans la poubelle, sous mon bureau. Je pose mes affaires et ne prends pas la peine de les sortir du sac. Je ne suis plus chez moi, ici.
Je suis là seulement pour quelques jours. Je vais devoir supporter leurs silences et leurs regards en coin. Mais aussi toute ma famille paternelle, chez qui nous allons passer les fêtes. J’ai déjà eu l'écho qu’il ne sera pas là “à cause de toi”. Quand la victime devient la coupable.
Mais pour l'heure, j’ai décidé de profiter à fond de mon frangin et le moment est venu de sortir de cette maison, dans laquelle je ne compte pas m’attarder.

Je dévale les escaliers jusqu'à sa chambre, le trouvant devant son ordinateur, à jouer.
— On décolle ? lui demandé-je, le faisant immédiatement sourire.
Il se lève, attrape les quelques affaires qui lui faut et nous sortons rapidement, sous le regard vide de ma mère qui ne nous demande même pas où nous allons.

— Tu vas voir comment je me suis amélioré ! Maintenant, je sais faire la “pause café” !
— La “pause café” ? répété-je comme si j’avais mal entendu.
— Ouais, tu te laisses porter avec la vitesse et, quand tu te sens prêt, tu glisses sur le côté, en mettant ta main sous ta tête, comme si t'étais allongé sur un canapé, en train de boire un café quoi ! Tu verras, c’est trop stylé !
Je rigole en l'imaginant. Si c’est son entraîneur qui lui apprend à faire ce genre de figure inutile pour jouer au Hockey sur glace, on est mal barré ! Toutefois, le voir heureux et ambitieux me requinque immédiatement.

Nous glissons tout l’après-midi sur la patinoire givrée. Effectivement, mon frère ne m’a pas menti, la “pause café” c’est stylé ! Je prends le temps de m’évader un peu, de ne penser à rien, tandis qu’il fonce à toute allure, comme un professionnel. Un tour chez moi équivaut à cinq chez lui. Ce gosse est inépuisable, mais de mon côté, je n’ai plus de jambes. Nous décidons de rentrer, après quatre heures à nous être défoulés.

Le lendemain, nous avons rendez-vous chez mes grands-parents paternels pour le repas de Noël. Une boule au ventre ne me quitte pas. J’ai l’impression d'être de trop. Qu’ils auraient tous préféré qu’il soit là, plutôt que moi. Il est plus légitime à être assis à cette place, quand on y pense. Il y vit depuis qu’il a onze ans. Pourtant, personne ne me pose de questions sur l’endroit où je vis. Sur comment je le vis. Et encore moins sur l’enquête qui empêche aujourd'hui qu’il soit dans la même pièce que moi. Personne.
Transparente.
Transparente.
Transparente.
Je décide de rentrer rapidement, le lendemain matin, n'étant pas prête à tant d’ondes négatives, laissant à peine le temps à Tinou d’émerger de son lit.
— Déjà ? me demande-t-il, déçu.
— Je reviens vite. Promis. Pas ce weekend, mais le prochain. Et ça sera comme ça tout le temps dorénavant.
Il me prend dans ses bras, tendrement.
— Fais attention à toi, petit frère. Te perdre pourrais me tuer.

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