Chapitre 29

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Février 2016, Rodez, 19 ans,

Jouissant de ma liberté acquise depuis que j’ai signé mon CDI, qui a coupé net mon contrat jeune majeur, et après quelques mois de recherche, j'aménage dans un deux pièces choisi pour la première fois par mes soins. Clément s’y installe davantage, essayant de construire notre nid d’amour, bien que la haine règne toujours entre nous. Nos disputes sont de plus en plus fréquentes, mais aucun de nous ne veut lâcher l’affaire. Pour quelle raison au juste ? Parce qu’on s’aime autant qu’on se détruit. Je m’accroche à lui alors qu’il n’a rien de bon pour moi. À dix-sept ans, il se montre mature pour certaines choses, tandis qu’il exploite mes failles quand ça lui chante. Évidemment, il y a des moments de rires, de joies intenses, des explosions de bonheur, mais ça ne représente que vingt pour cent de notre relation. Le reste n’est que toxicité, maladresse et jalousie. Tel du venin coulant dans nos veines avec comme seul moyen de guérison : la séparation. L'un comme l’autre, nous sommes persuadés que l'amour fou se résume à ça.

•••

Durant l'été, nous partons une semaine au Cap d’Agde, profitant du soleil et de la plage. Comme un vent nouveau, nous discutons beaucoup et, marqué d’une poignée de main, nous tentons de supprimer les tensions qui règnent depuis un an. Nous profitons à fond, en amoureux, le cœur un peu plus léger d’une histoire qui a mal commencé, mais qui, on l’espère, se terminera bien.

Ayant encore la tête dans les nuages, après cette semaine de rêve, je retrouve ma famille à Paris pour le mariage d'une de mes cousines. Je fais la dingue avec mes frères et sœurs, naviguant sur un bateau mouche qui nous montre toutes les facettes de la capitale. Au retour, j'embarque mes parents et Célestin à Rodez pour qu’ils y passent la semaine. Je présente ma famille à mes beaux-parents lors d’un dîner chez eux, ayant tout de même une peur bleue que ma mère ne sache pas se tenir à table. Toutefois, elle reste raisonnable, pour une fois.
Je leur fais visiter Rodez et ses alentours, même si être avec eux me met mal à l’aise. Mais j’en profite pour être avec mon frère, pour qu'il voit la vie que je me suis créée ici.

Malgré tout, ces vacances ont été marquées par la bonne entente, par des discussions raisonnées et une remise en question de la part de tout le monde, ce qui m’a fait un bien fou. J’ai mis ma haine et ma rancœur de côté pour essayer de créer un infime lien avec mes géniteurs, bien que mon père ne soit pas un très grand bavard, j’arrive a lui parler légèrement tandis que de son côté, comme à son habitude, elle se donne une allure de mère parfaite, faisant comme s’il ne s'était jamais rien passé entre nous. Mais je laisse couler, parce qu'aujourd'hui, j’ai décidé d'être heureuse dans ma vie et de ne plus me prendre la tête avec des gens qui n’en valent pas la peine.

Au bout d’une courte semaine, ils s’en vont, et je les laisse partir d’un signe de main. Mon frère, quant à lui, sort son bras par la fenêtre de la voiture pour me dire au revoir, une dernière fois.

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Depuis plus de six mois, notre relation s’est améliorée du tout au tout, bien que quelques engueulades viennent se glisser de temps à autre entre nous. Clément a fêté ses dix-huit ans, tandis que mes vingt ans ont suivi deux mois plus tard. Je me rends compte que mon petit frère aussi est devenu majeur en septembre. Malheureusement, Mme Viat ne lui a pas laissé la chance d'espérer avoir un contrat jeune majeur, alors, retour à la case départ : chez mes parents.

Je ne doute pas qu’ils aient changé. Pour ma part, depuis mon placement, ils ne m’ont plus jamais frappé, mais qu’en sera-t-il de mon frère ? Je ne comprends pas l’intérêt de placer des enfants pour les remettre chez leurs bourreaux une fois qu’ils peuvent se débarrasser d’eux.
Pourtant, mon frère ne se laisse pas abattre. Il s’inscrit au compagnon du devoir en maçonnerie, participant à la construction de châteaux et d’autres créations artisanales.

De mon côté, à part quelques appels de temps à autre, je ne prends pas le temps de monter à Paris, laissant l’automne puis l’hiver s’installer, fêtant mon anniversaire et Noël chez mes beaux-parents, ainsi que le nouvel an 2017 à Toulouse avec Clément et son frère.

J’ai décidé de quitter mon emploi pour une autre enseigne, après avoir été débauchée par les patrons. Malheureusement, ne m’y plaisant pas, je quitte cet endroit au bout de deux semaines. Alors profitant de mon chômage, en plein mois de février, je monte quelques jours à Paris pour voir mes sœurs dont l’une qui vient de nous annoncer qu’elle est enceinte, pour mon plus grand bonheur. Il m’est impossible de voir Tinou qui travaille, mais je suis tout de même censée remonter sur la capitale en Avril, pour le mariage de Gaëlle, où Clément doit m’accompagner. Je compte bien le voir à ce moment-là, qui arrivera bien plus vite qu’on ne le croit.
Alors, je repars, ne sachant pas comment ça se passe pour mon frère.
S’il est heureux et en pleine évolution.
Ou s’il se morfond, seul.

•••

J’aurais aimé te dire que je suis si fière de toi, Tinou.

J'aurais aimé te dire frérot, que tu as suscité mon bonheur et que sans toi, je ne m’en serais jamais sortie.
Si c'était à refaire, je le referais.
Me faire engueuler à ta place.
Me prendre les coups à ta place.
Me faire briser les côtes à ta place.
Je le referais, sans hésiter.
Parce que tu as été mon oxygène, ma bouée de sauvetage, ma plus belle arme.
Parce que la vie m’a donné la chance de te rencontrer, de t’avoir pour frère, d'être mon meilleur ami.
Et tu as été extraordinaire dans tous ces rôles.

Tu m’as donné la chance de vivre à tes côtés, de m’aimer comme personne ne m’avait jamais aimé, de me laisser respirer l’air dont j’avais tant besoin.

Tes bras étaient ma maison.
Ton rire était mon son favori.
Ta voix était mon repos.

Fermant les yeux, je laisse le vent caresser mon visage, imaginant ton regard souriant se poser sur moi.
Promets-moi d'être heureux, Tinou.
Promets-moi que tu n’as pas fait ça pour rien.

Parce que j’en ai pris des coups dans la vie, mais ton décès restera le plus violent.


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Je t'en remercie d'avance 🥹🫶

Merci pour les épinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant