Chapitre 35

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J’ai crû que tu allais m’appeler.
J’ai crû que tu allais m’écrire.
J’ai crû que tu allais m'expliquer.
J’ai crû que j’allais te manquer.
J’ai crû.

— Tu ne souris plus, m’a-t-il dit avant de claquer la porte de notre appartement, pour la dernière fois.

Pourquoi faudrait-il que je souris ? Pour soulager sa conscience ? Pour arrêter de faire chier le monde avec mon chagrin ? Pour que tout le monde croit que je vais mieux, alors que nous l'avons enterré il y a seulement trois semaines.
J’ai simplement envie d’hurler. De gratter ma peau à m’en faire saigner.
Je lui demandais juste de m’épauler. D’être là quand je vivrais les pires douleurs qu’on puisse me donner. Et nous y sommes, là, maintenant. Mais il préfère fuir, faisant passer sa lâcheté pour de l’héroïsme. Pensant qu’en partant, j’irais mieux. Mais il n’y a que lui qui ira mieux.

Je suppose que j’aime mes cicatrices, parce qu’elles sont restées avec moi plus longtemps que la plupart des gens qui ne sont jamais restés. Alors, je les contemple, tout en glissant une lame de rasoir, rouvrant des plaies mal fermées, leur laissant une nouvelle amie marquer sa place sur ma peau, sur ce terrain de jeux immense que je pense déjà à combler à coup de rage, mêlée à mes larmes salées.
Tout le monde finit toujours par m’abandonner.
Il semblerait que de devoir gérer le deuil de mon frère ne soit déjà pas assez. Il a fallu qu’il me rajoute son absence non désirée, devant faire également le deuil d’une relation dans laquelle je me suis donnée corps et âme.
Mais il n’y avait que moi qui y croyait.

J’ai bien vu son changement de comportement au décès de mon frère. Son air détaché sur des appels manqués. Dès lors qu’il est rentré à Rodez tandis que je suis restée à Paris, j'étais bien trop concentrée sur Célestin pour me méfier de lui. Pourtant, il n’a fallu que quelques secondes pour qu’il ne s’intéresse plus à moi, à nous.
Sa mère l’a obligé à venir à l’enterrement. J’aurais déjà dû sonner l’alerte à ce moment-là, mais j’ai simplement pensé que ça lui faisait trop mal d’assister à tout ça avec un garçon du même âge.
Pourtant, une fois rentré en Aveyron, il a pris ses distances, une fois de plus. Lors de sa semaine de CFA, il s’est fait héberger par des amis en commun.
Aucun appel.
Aucun message.
— J’ai besoin de temps, m’a-t-il simplement informé.
Alors, je lui en ai laissé.
Et le voici, après une semaine de silence, face à moi. Son regard noir sur des sourcils froncés.
Il m’a déjà remplacé.

Il a passé toute la semaine avec cette fille, la présentant officiellement comme sa copine, alors que nous n'étions même pas séparés. Je l’ai appris bien trop vite à son goût, me traitant de folle et de dégénérée, mais encore une fois, les preuves ne manquaient pas.
Une conversation avec des personnes en commun, des messages qui ne laissent pas la place aux doutes, puis des photos, qui ont terminé de m’achever.

J’espère qu’un jour il réalisera que j’ai fait le choix de rester lorsqu’il m'a donné mille raisons de partir, tandis qu’il a décidé de partir alors qu’il y avait mille raisons de rester.

Ton prénom dans ma bouche est une plaie béante. J’aimerais arriver à ne plus t’en vouloir. Tu n’allais pas te forcer à rester, alors que le reste de ta vie t’attendait. Mais je l’ai compris bien trop tard. Alors, aujourd'hui, je te pardonne Clément. Je te pardonne d’être parti sans même te retourner. Je te pardonne pour le bordel que tu as laissé dans ma vie, dans ma tête, dans mon cœur. Je te pardonne pour nos rêves avortés et pour le brouillard que tu as déposé sur mes yeux en me quittant. Je te pardonne pour tes mots assourdissants et tes silences pesants. Tu m’as laissé des miettes de toi. Je te déteste parce que je t’ai aimé profondément et la haine que j’ai en moi est à la hauteur de l’amour que je t’ai porté.
J’aurais aimé avoir deux cœurs.
Le premier insensible,
Le second amoureux.
Je t’en aurais confié un et avec le deuxième, j’aurais été heureuse.

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Merci pour les épinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant