Intermédiaire - Anthony : Partie d'Echecs

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7 juin 1997

- Alors je suppose que je vais te dire au revoir aujourd'hui, dit Anthony d'une voix détachée, peut-être plus qu'il n'avait envie de paraître.

- Je suppose que oui, affirma Lili. Pas vraiment envie de te devoir faire ça après un enterrement. Surtout avec un train à prendre.

- Non, moi non plus.

Ils se regardèrent un instant avec la sensation de tout laisser en suspens. Lili savait pertinemment qu'elle n'en aurait pas fini avec lui, et c'était pour le mieux.

- Merci, engagea-t-elle, pour tout ce que tu as fait pour moi cette année.

- Pfff, tais-toi donc ça ne sert à rien tout ça, souffla-t-il, c'est pas vraiment un au revoir et certainement pas des adieux, tu as intérêt à m'écrire cet été, et l'année qui vient ne t'enferme pas.

- Tu me donnes des ordres maintenant ? ricana Lili.

- Avec toi il n'y a rien d'autre qui marche de toute façon, répliqua-t-il avec un petit mouvement d'épaule contre épaule. Si tu ne me donnes pas de nouvelles j'harcèlerais ton rouquin.

- Ne crains rien je t'enverrai des lettres.

Un nouveau silence. Lili commençait sérieusement à penser à remonter dans son dortoir, elle avait une valise à faire après tout.

- Bon, il se fait tard, dit-elle distraitement.

- Au revoir Lili, dit Anthony solennellement en lui jetant un dernier regard, j'espère que tu trouveras ton chez-toi.

Ce n'était pas un adieu, elle en était persuadée, mais ça sonnait tout comme.

- Et Lili, interpella Anthony une dernière fois alors qu'elle s'était retournée vers le château, n'oublie pas, en être capable seule ne signifie pas qu'on y est forcé.

- Je tâcherais de m'en rappeler, sourit-elle alors, avant de se retourner pour de bon du banc, du lac et d'Anthony.

Je restai assis sur ce banc peut être une heure de plus, à regarder le lac, et le soleil de juin sombrer dans les Highlands. Après n'avoir jeté qu'un regard curieux derrière mon épaule, l'absence de Lili se confirma. Un doute aurait pu alors se glisser en moi. Peut être que j'aurais dû partir aussi, l'accompagner faire sa valise, discuter de l'avenir prochain, lui expliquer mes plans. Mais je crois avoir pris la bonne décision, elle avait besoin de plier bagage seule. Et moi, j'avais besoin de rester encore un peu plus.

Lili m'avait dit une fois que sa vie ressemblait à un jeu de plateau ou elle essayait d'atteindre la case suivante, la seule case qu'elle puisse prendre, celle qui était éclairée et désignée par le dé. Mais voilà, parfois cette case était très mal éclairée, ou plus haute que l'autre, plus loin aussi. J'ai compris ses métaphores, et j'étais plutôt d'accord avec elle. Mais ça, c'était sa vie à elle.

Moi, ma vie, je la vois comme un jeu d'échecs ou je suis le joueur aux pions noirs et le reste du monde, le joueur un, celui aux pions blancs. Je sais que je n'ai pas l'avantage du premier coup, mais j'ai tellement de cases, tellement de pions, et tellement d'outils pour renverser la balance des chances. J'aime beaucoup les échecs, c'est un jeu complexe, il faut faire preuve de stratégie et de bluff. C'est un petit peu comme ma métaphore de la vie.

Le vol des oiseaux laissa place à quelques chauves-souris quand vingt et une heures sonna depuis la tour d'astronomie, c'est là que je repris le chemin vers le château. Mon pas n'était pas traînant, juste réfléchi, mais une demie heure de plus était bien passée alors que je fermais la porte de mon dortoir. Lili n'était pas dans la Tour, mais avec Fred et George quelque part dans les bureaux de professeurs. Je savais qu'elle décidait encore qu'elle serait sa prochaine case. Le professeur Flitwick avait mentionné une possible semaine d'examen à partir du 15 juin, et le passage des B.U.S.E.s les 17,18 et 19. Et cette case serait la mienne.

Elisabeth AlvertonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant