Chapitre seize

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[...] j'ai songé alors que ce qui est violent, ce n'est pas le temps qui passe, c'est l'effacement des sentiments et des émotions. Comme s'ils n'avaient jamais existé.

Laurence Tardieu

-- Harry, réveille-toi, c'est aujourd'hui. Je grogne, éloignant la main qui est en train de presser mon bras. J'enfonce mon visage dans les oreillers, secouant la tête plusieurs fois.

-- Je ne peux pas y aller, sanglotais-je.

-- Haz...

-- Non, je ne peux pas. C'est... C'est, je ne peux pas. Ce n'est pas possible. Je ne peux pas voir ça et j'ai... J'ai envie de tuer tous ces connards.

-- C'est ta dernière occasion de le voir...

Je relève le visage, observant ma soeur, assise au bout de mon lit. Je soupire longuement avant de passer une main dans mes cheveux.

-- Je ne veux pas... Que cette journée arrive, je ne veux pas que ce soit la dernière fois !

-- Parfois, il faut simplement accepter les choses comme elles sont, articule Gemma en soupirant.

-- Comment veux-tu que j'accepte cela ?! Hurlais-je.

Je me reprends en voyant Gemma sursauter, laissant échapper un "excuse-moi" grinçant. Je ferme les yeux un instant, prenant une poignet de mes cheveux pour les rejeter en arrière. Je ne peux pas voir ça, je ne peux tout simplement pas assister à cela sans rien faire. Ils ne devraient même pas avoir le droit de nous montrer cela, à nous, les proches de la personne. Voir une personne que l'on aime mourir devant nos yeux n'est rien à part affreux.

Assister à l'exécution. On n'assiste pas, on subit sans rien pouvoir faire. Je me lève, déjà totalement anéanti parce que je vais voir. Je ne peux pas tenir en voyant Louis mourir, je ne peux pas. J'ai beau me dire que ça ira et que j'y vais surtout pour pouvoir lui dire adieu, je ne peux pas. Je ne peux pas contenir tout cela et ensuite relever mon entreprise, relever tout ce que j'avais lâché pour lui et faire comme si tout allait bien. Je ne pourrais pas vivre avec cela.

Et ce qui me fait le plus mal, c'est que je sais que, si j'avais été à sa place, je ne me serais pas livré pour les sauver, eux. S'ils m'avaient annoncé qu'ils tueraient Louis, je l'aurais fait. Mais pas de façon instinctive sans qu'aucun élément anormal n'intervienne. Et pourtant, il l'a fait. Il s'est sacrifié pour nous sauver, pour me sauver. J'avale un calmant, observant mes cheveux gras dans le miroir. Je suis écoeurant et je suis sûr que c'est exactement ce que Louis se dit en ce moment-même. Je suis affreux et sans-coeur. Il doit penser que je n'ai pas essayé de le sauver, mais... Je l'ai fait. Ils m'ont empêché de le sauver, mais je m'en fiche. Je coulerais l'entreprise. L'argent m'importe peu, à présent. Louis va mourir et je ne peux rien faire pour aller contre, c'est tout ce qui importe. Je vais perdre la chose la plus importante dans mon monde.

-- Harry... Il faut que nous y allions.

Je relève de petits yeux larmoyants sur ma soeur, qui baisse la tête avant de quitter la pièce. Elle non plus ne peut rien faire contre. Je sais qu'elle va essayer de me faire sortir la tête de l'eau lorsque Louis sera décédé, mais je sais aussi que rien ne réussira à me sauver de la noyade. Je n'ai pas une capacité émotionnelle assez importante pour réussir à supporter cela. Je ne peux pas le supporter. J'enfile un des énormes pulls surdimensionnés de Louis - tellement qu'il est trop grand pour moi -, puis un jean sale que je trouve sur le sol de ma chambre, ne me préoccupant pas réellement de mon apparence. Je me fous de ce à quoi je ressemble.

Une image fugace du cadavre de Louis me passe en tête, faisant déborder une larme de mes yeux. Je ne pourrais plus me regarder dans un miroir après ça, je ne pourrais même plus supporter d'être en vie alors que lui ne l'est plus. Je passe de vieilles bottes par-dessus des chaussettes noires, puis me relève, écrasant les larmes contre la peau de ma joue, tout en attrapant mon portable, le glissant dans une de mes poches. Puis je sors de ma chambre, refermant la porte en descendant les escaliers jusqu'à le salon, où Gemma et son copain sont en train de discuter. J'essuie de nouvelles larmes, avançant jusqu'à la porte d'entrée que j'ouvre, avant d'emprunter les escaliers que je descends quatre par quatre.

Deb (larry stylinson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant