Tu ne sauras jamais ce que c'est

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Tu ne sauras jamais ce que c'est

J'essaye de m'ouvrir au monde, d'être apte à faire de nouvelles rencontres, d'être ouvert à de nouvelles choses. Mais je crois que ça ne marche pas. J'ai vécu trop longtemps reclut, renfermer sur moi-même avec Jessica comme seule aide. Il me faudra du temps, maintenant, beaucoup de temps...

Je déglutis, entrant dans mon bureau. Cette situation est trop étrange. Stan me pose un paquet de dossiers alors que je hoche la tête lentement, m'assaillant sur l'énorme chaise. Je regarde les papiers en me rejouant la scène. Je viens de me ridiculiser devant Styles et ce soir, je vais boire un café avec lui. Mon dieu... Tu tombes bien bas, Louis, siffle ma conscience. Je commence à feuilleter les papiers, mais je n'arrive pas à me concentrer. Pas du tout, même. Je relève le regard, puis regarde les papiers, avant de me lever. Merde, qu'est-ce que j'ai... Je m'assois face à la vitre, ouvrant sur Dublin. Je déglutis, entourant mes jambes de mes bras. La porte est fermée à clef de toute manière, qui pourrait me découvrir dans cet état ? Personne... Ma respiration est lourde alors que j'essaye de contenir mes émotions.

C'était réellement la dernière des choses à faire en présence de mon patron. Avoir mes réflexes défensifs devant lui. J'ai tellement honte de ce que je suis... Et le pire, c'est que certains choisissent cette vie. Ils choisissent d'être une pute. Je ne les comprends pas... Comment peut-on, au juste, choisir d'être ça. De vendre son corps. Tu la fais, imbécile, siffle ma conscience. Je reste longtemps face aux différents bâtiments à me demander de quoi nous allons parler, Styles et moi. C'est vrai, en fait, j'aurais dû refuser. Oui, j'aurais réellement dû.

*

Quelqu'un toque à la porte. Je me lève, froisse quelques dossiers et les étale sur la table, avant d'ouvrir la porte.

-- Oh, heu, Monsieur. Styles.

Je passe une main rapide sur mon pantalon en essayant désespérément d'en retirer les plis. Après quelques secondes, je retourne derrière mon bureau, allumant rapidement la lumière en remarquant qu'il fait nuit.

-- Tu n'as pas terminé les dossiers ?

-- Non, hum, pas encore. Je compte rester plus tard.

Il s'avance, puis regarde les feuilles rapidement, avant de secouer la tête et de tourner vers moi.

-- Nous avons un café à prendre. J'aimerais te parler de certaines choses, Deb.

Je hoche la tête, perturbé. Je n'arrive pas à savoir si je préfère qu'il m'appelle Louis ou Deb. D'employer Deb met une barrière énorme entre nous, mais en même temps, je ne crois pas aimer Louis, du tout. J'attrape ma veste et l'enfile rapidement. Je suis Deb. Je suis la barrière.

*

On marche longtemps -très longtemps- pour arriver à son café. Et on ne parle presque pas. Tellement peu que ça crée une atmosphère très tendue entre nous. Je suis légèrement derrière lui et je le suis, pressé d'arriver enfin là-bas et de pouvoir parler. Je regarde mes pieds, plus attentif aux bruits produits par la circulation au cœur de la ville qu'à autre chose. Au moment où il s'arrête brusquement, je ne vois pas le coup venir et je manque de lui rentrer dedans.

-- Nous y sommes.

C'est un café plutôt modeste et chaleureux. Monsieur. Styles semble connaître beaucoup de personnes à l'intérieur. Je me fais petit derrière lui, légèrement apeuré.

-- Ce bâtiment m'appartient, enfin, la partie arrière.

Il déclare ça d'une petite voix, sombre. La partie arrière ? Je déglutis alors que mon imagination s'affole. Je regarde le nom du bar d'un rapide coup d'oeil, avant de suivre encore une fois Styles.

Circus Pub

Nous arrivons dans un sous-sol, quelque chose comme cela. Une porte se trouve devant nous, mais avant de la franchir, Monsieur. Styles m'arrête.

-- Je possède plusieurs pubs comme celui-ci à l'international. Trois se trouvent à Dublin. J'en ai crée quarante en tout. Ca doit rester un secret, pour le moment.

Puis il pose une main sur mes yeux, positionnant l'autre sur une de mes hanches. Je déglutis en m'accrochant à son avant-bras.

-- Tiens-toi tranquille et garde les yeux fermés, Louis...

Il me fait avancer alors que je lute pour garder mes paupières fermées. Ai-je réellement accepté que ce fou soit mon patron ? Oui et tu as accepté un café avec lui parce qu'il est attirant, également, Louis, gronde ma conscience. Après quelques secondes, la porte grince et j'avance encore alors qu'une musique atteint mon oreille. Directement, je me stoppe, comme glacé, incapable de bouger. Non, je refuse de croire à ça...

-- Tu sais, Deb...

Je sens son souffle dans mon cou, les yeux encore fermés.

-- Chaque entreprise à une face cachée... Un trafic non-autorisé, des échanges d'argents illégaux, des conditions de travail dégueulasses... Dans la mienne...

Il claque sa langue, posant une de ses grandes mains sur ma gorge en me relevant le visage, me faisant brusquement ouvrir les yeux. Je les écarquille sous la surprise - ou le dégoût ? Merde, merde, merde, je t'avais prévenu, s'étouffe ma conscience, furieuse.

-- Regarde, Louis, la mienne de face cachée se trouve devant toi... Te plaît-elle ?

-- Ça... Ça doit être un cauchemar.

Son rire résonne, rauque et tranchant alors que mon sang se glace.

Il me libère totalement et je manque de tomber au sol. De ma main droite, je me rattrape à un des meubles.

-- Tu es un monstre. Tu ne sais pas et tu ne sauras jamais ce que j'endurais et regarde ce que tu crées ! C'est la pire des humiliations. Je... J-je te déteste comme je n'ai jamais détesté quelqu'un.

Il sourit, comme s'il était satisfait, mais son visage se crispe au déteste. Je recule encore, cherchant mon souffle.

-- C'est un cirque où tu encourages la prostitution et les maisons closes. Tu es un mac, aussi ? Non, mieux, tu fais du trafic de personne ? Dis-moi !

Mon visage doit réellement être affreux. Entre le dégoût et la colère, je ne sais pas où me placer. La bille dans ma gorge me brûle, elle remonte et je ne peux pas le retenir, je vomis au sol. Il s'éloigne directement, dégoûté. Mais ça n'attenue pas ma haine, je me remets directement à crier.

-- Je... Je croyais que tu étais différent des clients, mais en fait... Tu...

-- Je le suis.

-- Ouais, ouais, tu l'es. Tu m'as offert un travail, de l'argent, de quoi vivre. Mais... Tu détruis la vie d'autres personnes. Je... je trouve ça dégueulasse. J'aurais préféré que... Que tu n'existes pas. Jamais.

Et je recule encore, avant de définitivement m'en aller. Je cours dans les escaliers et encore dans la rue, au moins sur les premiers mètres. Et puis au bout d'un moment, je sens que mes Vans trouées ne tiennent plus le rythme, alors je ralentis. J'essaye de me calmer, vraiment, mais je n'y arrive pas. Il encourage la prostitution, comment il peut faire ça... Et je m'arrête alors que l'envie de vomir de tout à l'heure revient encore. Il ne reste qu'une rue avant que je n'arrive à l'appartement, je peux le faire, je peux le faire...

*

Avis d'expulsion.

Tu n'aurais jamais dû me dénoncer, Deb.

- Jason

Je fixe le mot quelques secondes, puis regarde mes affaires, étalées sur le sol. Je commence sérieusement à croire que c'est mon jour de chance. Je colle mon front à mes mains, m'assaillant sur une des trois valises. Merde, merde et re-merde. Il est vingt-et-une heures et je suis devant chez moi, sans abris ni argent. Ma première paye sera donnée demain et je me demande juste où est-ce que je vais aller dormir.

*

J'aimerais qu'un jour, quelqu'un m'explique comment je fais pour tout gâcher comme ça. Si c'est un don, ou plutôt une malédiction, vous voyez ? Ou alors si c'est simplement moi qui ne sais pas comment m'y prendre. Mais j'aimerais réellement savoir, ça devient pesant, à force.

Deb (larry stylinson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant