C'est alors que Jérémy pose son regard sur moi. Un regard empli de tristesse et de regrets. Cela me fait l'effet d'un coup, réduisant en bouillie la boule que j'avais au ventre.
Une semaine est passée et je n'ai eu aucun retour de Jérémy. Aucun message, rien. Je commence à désespérer et me fais doucement à l'idée que je n'ai que ce que je mérite. Après tout, je suis la seule responsable et je ne peux en vouloir à Jérémy. Cela me brise le coeur.
Depuis l'incident je suis aux aguets à chaque notification que je reçois et c'est à chaque fois un pincement au coeur quand je vois que ce n'est pas lui. Aussi, j'ai continué à me connecter sur l'application sans jamais le voir se connecter. C'est une maigre consolation, mais je m'en satisfais. Je sais que ce n'est pas forcément une bonne idée, car si la même idée lui vient à l'esprit et qu'il voit que je me suis connectée récemment, il pourrait alors penser que je suis de nouveau à la recherche d'un homme. J'ai bien conscience du risque, mais je ne peux me résoudre à rester à attendre sans rien faire.
La veille de la course, à l'école, Justine vient à ma rencontre avec une expression que je lui connais. Elle a quelque chose à me dire qui risque de ne pas me plaire. Je n'ai cependant pas la moindre idée du sujet. Je suis déjà fatiguée alors que la journée n'a même pas encore commencé. Il y a des jours comme ça, mais dernièrement je n'avais quasiment que de telles journées.
— Lâche le morceau sans tourner autour du pot, s'il te plaît, je lâche en soupirant.
— Tu as eu des parents accompagnateurs pour courir avec toi ?
— Aucun, c'est assez désespérant.
Nombreux sont les parents qui se désintéressent de la scolarité de leur enfant au fur et à mesure qu'ils grandissent. Je n'ai jamais compris quelles raisons pouvaient justifier cela. Cela dit, pas de quoi tirer une tronche comme Justine le fait.
— J'ai eu un retour, me dit-elle.
— C'est très bien, il est où le problème ?
Elle est en train de tourner autour du pot et ça commence à m'agacer. La raison est évidente et pourtant je ne saisis toujours pas. Justine finit par me dire d'une toute petite voix.
— Le papa de Nina s'est proposé.
Comme si l'appeler ainsi et non pas Jérémy allait changer quoi que ce soit. Sous le coup de la nouvelle, je ne réagis pas.
— J'aurais peut-être dû préciser que tu faisais aussi le lièvre...
Je ne réagis toujours pas, ce qui ne manque pas d'inquiéter Justine. Je n'arrive pas à savoir si cela est une bonne ou mauvaise nouvelle. Dois-je m'en réjouir ou m'en inquiéter ?
Je me dis qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter et pourtant je crains de briser le voeu de Jérémy, à savoir prendre ses distances. Il pourrait voir cette occasion comme une façon pour moi de faire une tentative de rapprochement. Et comme me l'avait si bien expliqué Justine, il ne fallait pas que je me montre insistante. J'ai réussi à tenir jusque-là, ce serait regrettable de tout foutre en l'air à cause de cette course.
— Non, ce n'est pas possible, dis-je finalement.
Justine grimace.
— On n'a pas vraiment le choix, Sylvie veut avoir un parent et un enseignant sur la piste.
— Ce n'est pas possible, je répète plus pour moi-même cette fois-ci.
Jérémy m'évite depuis maintenant une semaine et nous allons nous retrouver à courir au coude-à-coude ? N'allait-il pas croire que tout cela est manigancé et se braquer davantage ? Il y a forcément une solution. Désespérément, je me mets à réfléchir. Je veux qu'une idée me vienne, n'importe laquelle !
— On n'a qu'à dire qu'on n'a aucun parent...
— Sarah, je ne peux pas ! J'ai fait une demande et il m'a répondu présent. J'aurais l'air de quoi si je refuse et qu'il ne voit aucun parent courir ?
— Et si tu cours à ma place ? Je propose avec désespoir.
Justine me donne l'impression de réfléchir et je la crois même sur le point dé céder. Pourtant, je me trompe.
— Non. Excuse-moi, Sarah, mais tu n'es pas une enfant. Si tu crois que je te rendrais service, tu te trompes.
Je la regarde, étonnée. Je me sens abandonnée et trahie par ma meilleure amie. C'est une chose qui m'était inconcevable jusqu'alors. Elle me sait pourtant dans une situation délicate. Je ne peux rien répondre tant la surprise est grande. Cependant, Justine ne le voit pas, ou plutôt fait mine de ne rien voir pour continuer sur sa lancée :
— C'est le boulot, là. Alors déconne pas et prend sur toi... Je sais pas, peut-être que c'est le destin qui vous rassemble, finit-elle par dire pour tenter de me convaincre.
Je sens la colère hurler en moi, semblable à un lion qui rugit à qui veut entendre son courroux. Ma situation aidant, mes émotions sont décuplés. C'est dangereux de commencer la journée comme ça. Très dangereux !
Mais comme la fois avec Harry je parviens à contenir cette tempête en moi et retrouver un semblant de calme. Harry avait raison et je repense à ce qu'il m'avait dit durant la soirée. En réagissant ainsi Justine me donne la preuve que c'est une vraie amie. Et ce, même si je n'en ai jamais douté. Elle a raison et jusqu'à preuve du contraire, de nous deux, elle est celle qui a toujours réussi à garder son sang froid.
Entre nous, il m'est vraiment difficile de me maîtriser. Pourquoi les émotions ont-elles toujours eu l'ascendant sur la raison ? Mais la preuve est que je m'assagis car je finis par céder.
— D'accord.
— Sarah, j'ai bien conscience que c'est facile pour moi de te dire tout ça...
Je confirme d'un signe de la tête.
— Mais tu vas finir avec un ulcère si tu continues à te prendre la tête avec des choses qui ne dépendent pas de toi.
Le comble de la frustration, être plongée dans l'impuissance. Les évènements vont et viennent sans que je ne puisse interférer. Tel un navire malmené par la tempête, je navigue sur des flots qui n'ont pas fini de me réserver des surprises.
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Mon nom est Sarah
RomanceSarah se retrouve à devoir sortir de sa zone de confort le jour où sa meilleure amie lui installe une application de rencontre et qu'elle y fait la connaissance d'un homme. Sarah et son mystérieux prétendant vont s'engager dans une relation semée d'...