— On peut avoir de bonne surprise quand on ne se croit pas prête ma Sarah. Je me suis retrouvée mariée à ton grand-père par la force des choses, mais je ne l'ai jamais regretté.
— Merci mémé.
Reconnaissante, je lui dépose un baiser sur la joue.
Mémé s'est finalement adonnée à cette reconnaissable « sieste discrète de grand-mère ». Sa tête est doucement penchée vers l'avant et sa respiration, douce et régulière, résonne telle une mélodie apaisante autour de la table festive.
Ne pouvant plus lui tenir compagnie, je suis donc contrainte d'écouter Nathan qui a le talent de parler en continu. Depuis qu'il est enfant, jamais il n'avait soigné cette diarrhée verbale, à mon grand désarroi. Avant qu'il n'ait sa propre chambre, alors que nous n'étions que des enfants, il dormait avec moi et parvenait à me parler jusqu'à tomber de sommeil. Ses questions étaient sans fin. Depuis le jour où il a déménagé dans sa propre chambre, jamais je n'ai connu depuis pareille libération.
Je me moque, mais il a ce don étonnant de transformer la plus nulle des histoires en véritable péripétie captivante. Il avait réussi à transformer ce défaut en qualité que nous lui reconnaissons tous à ce jour. Régulièrement nous nous jetons, Prudence et moi, des regards amusés. D'ailleurs, je dois vous avouer que je la trouve particulièrement calme ce soir. Elle n'a que très peu parlé de toute la soirée. Je sens quelque chose mais ne parvient pas à mettre le doigt dessus. Je me promets d'être attentive et de découvrir ce qu'ils cachaient tous les deux.
— Il est bientôt minuit, l'heure des cadeaux ! S'exclame ma tante Virginie.
Les petites cousines poussent aussitôt des cris de joie. Je vois Mamou grimacer et soupirer discrètement. Mais pas suffisamment pour que je ne le remarque pas. En même temps, les pauvres avaient passé la soirée à baver au pied du sapin. Je les plains car j'avais moi-même connu ce supplice par le passé. Dans ma famille, nous avions toujours attendu minuit pour l'ouverture des cadeaux. C'était une telle frustration ! À peine les cadeaux étaient ouverts que la fatigue nous assommait aussitôt. Il fallait alors attendre le lendemain pour enfin en profiter. Avec le recul, je réalise qu'il s'agissait là d'une torture pure et dure.
Nathan regarde sa montre avant d'ajouter :
— Il reste encore quelques minutes, pile le temps d'aller se fumer une cigarette.
De nouveau je remarque Mamou qui le fusille du regard, l'accusant silencieusement de prolonger son calvaire. Avec Prudence, ils sont les deux seuls fumeurs. Il est cependant hors de question de rester sans eux autour de cette table. Les histoires de bureau de Virginie... très peu pour moi ! Je passe mon tour. Remerciez-moi de vous épargner ses monologues qui n'en finissent pas. Je pose mon regard sur Mémé Jo et la soupçonne de faire semblant de dormir pour ne pas avoir à s'intéresser à ça. C'est qu'elle est parfois maligne la grand-mère.
— Je viens avec vous, dis-je précipitamment.
— Très bien, on vous attend, ne traînez pas ou vous devrez attendre Noël prochain pour vos cadeaux, lance mon beau-père avant de partir à rire.
Autant animée par mon envie de ne pas rester seule que par une intuition, je me dépêche de mettre mon manteau. Une fois enfilée, nous sortons tous les trois.
Le froid de la nuit offre un contraste mordant avec la chaleur du salon. Je me dis qu'il faut être soit courageux, soit débile pour sortir fumer dans ces conditions. Mais à choisir, je préfère de très loin avoir froid que d'entendre les soliloques de la tante. Vraiment quelle drôle d'idée que d'avoir invité oncle Manu et tata Virginie...
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Mon nom est Sarah
RomanceSarah se retrouve à devoir sortir de sa zone de confort le jour où sa meilleure amie lui installe une application de rencontre et qu'elle y fait la connaissance d'un homme. Sarah et son mystérieux prétendant vont s'engager dans une relation semée d'...