Chapitre 20 - Harry

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Harry m'adresse alors un sourire encourageant. 

 Qu'avaient-ils tous à vouloir connaître mon nom ? Cela peut paraître étrange, mais je pourrais le lui donner sans problème. Pourquoi lui et pas Jérémy pourrait-on se demander. La raison est simple, je n'éprouve rien pour cet inconnu. Rien. Donc je ne vois aucune raison de prendre peur.

Avec Jérémy, c'est différent. Tout est différent avec lui. C'est lui qui me fait perdre le contrôle de moi-même... Le résultat est que c'est lui que je fais autant souffrir que moi-même.

Je sais que je peux me présenter à Harry, mais je ne le ferai pas. Je ne veux donner à un autre ce que je n'ai pu donner à Jérémy.

Ma main serre toujours celle de Harry, qui quant à lui attend que je parle. Son regard est empli de malice. Finalement, je me libère et secoue la tête.

— Je ne suis pas une femme facile, il faut toujours garder une part de mystère avec les hommes.

C'est en le disant que je réalise à quel point j'avais raison. Cela me fait sourire, mais un de ces sourires amers n'ayant rien de joyeux. Puis avant qu'il n'insiste ou m'invente une autre technique ringarde, je le préviens :

— Et je suis déjà prise... Enfin d'une certaine façon tout du moins. Donc je vais t'éviter de perdre du temps à toi aussi.

Harry ouvre grands les yeux et se met à rire. Je remarque que son rire est semblable à mon sourire, il n'a rien de joyeux.

— Dis moi si je me trompe, mais tu as aussi des problèmes avec ton copain ? Me demande-t-il après s'être essuyé les yeux. Le mien vient de me larguer.

Surprise, je réalise que je me suis trompé sur son compte. Harry n'avait jamais voulu me draguer. En réalité, il avait simplement remarqué que j'étais perdue, tout comme lui finalement. Je veux lui répondre, mais je ne trouve rien à dire.

— Tu viens de comprendre, toi et moi on chasse le même gibier !

L'image utilisée par Harry me fait sourire et subitement la distance que je m'évertuais jusque-là à garder se dissipe.

— Je me sens bête, dis-je finalement.

Tout comme lui auparavant, je lui tends la main et attend qu'il me la serre pour lui répondre.

— Je m'appelle Sarah, enchantée Harry.

Maintenant que les présentations sont faites mais que surtout il n'y a plus d'amalgame, je me sens étonnamment ouverte à la discussion. Je ne m'y attendais pas, mais je dois bien reconnaître que j'en suis ravie.

— Rassure-moi, ton copain n'a pas osé te quitter ce soir quand même ?

— Non, c'était ce matin.

Je lui adresse une grimace de compassion. Il s'accoude au comptoir et pousse un soupir qui en dit long. Il ressemble à un chien qui s'attendait à faire une promenade et qui comprend qu'il va simplement rester seul chez lui alors que son maître s'apprête à partir.

— Je ne te connais pas, mais je suis certaine qu'il ne te méritais pas !

C'est typiquement le genre de phrases banales que je déteste. Mais que voulez-vous, il faut bien répondre quelque chose. L'air malheureux de Harry me fait tant de peine que je ne peux rester là sans rien répondre.

— Ces hommes, tous les mêmes ! Rétorque-t-il.

Cette remarque ne manque pas de le faire rire. Je me joins à lui de bon coeur.

— Et pourtant, parfois ce sont eux les victimes... j'ajoute tristement.

Je crois que ça aurait bien plus simple à gérer si Jérémy avait été un enfoiré. C'est toujours plus simple quand on n'est responsable de rien. En l'occurence si je suis aujourd'hui dans cette situation, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. C'est ça le plus difficile.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Voulut savoir Harry. Dans mon cas, il m'a juste quitté pour un autre. Aussi simple que ça.

Il se livre à moi. Je pense pouvoir en faire autant.

— Je n'ai pas su être honnête, dis-je quant à moi.

À son regard, je vois qu'il se méprend à mon sujet.

— Non, ce n'est pas ce que tu crois... Je lui ai menti pour une raison idiote et je n'arrive pas à me le pardonner.

— Je ne sais pas ce que tu as fait, mais pourquoi penses-tu qu'il n'arrivera pas à te pardonner, lui ?

Je ne m'étais pas posé cette question. Je la trouve pertinente, mais le problème n'est pas là.

— J'en sais rien du tout... mais comment pourrais-je attendre qu'il me pardonne si je suis incapable de le faire moi-même ? Si je me mets à sa place, je n'accepterais pas.

Harry semble réfléchir. Je ne lui facilite pas la tâche en ne lui donnant que la moitié des informations. Cependant, même si je le trouve amical je n'ai nulle envie de me livrer entièrement à lui.

Il se redresse et se tient bien droit devant moi. J'ai un mouvement de recul.

— Je peux être honnête avec toi ? Me demande-t-il soudainement.

— Vas-y, fais-toi plaisir...

— J'ai remarqué la tendance que nous avions à réconforter nos amis dans leur malheur. Ça me paraît tout naturel, on voit quelqu'un qui va mal, on le soutient, non ?

Sa question n'attend pas de réponse, c'est comme s'il se parlait à lui-même. Il me parle sans me regarder. Il réfléchit. Je suis curieuse de connaître la fin de son raisonnement et décide donc de rester silencieuse attendant qu'il poursuive.

— Pourtant, je ne pense pas que ça les aide véritablement.

Nouvel arrêt mais cette fois-ci je ne peux m'empêcher d'intervenir.

— Je comprends l'idée, mais je ne vois pas où tu veux en venir.

— Je pourrais te dire que ça ira ou... n'importe quoi d'autre d'ailleurs. En réalité, je pense que tu as tord.

Surprise, je me recule un peu plus.

— Tu dis avoir merdé, que tu ne te pardonnes pas et que lui ne te pardonnera pas non plus. Mais en fait, tu n'en sais rien. Il te suffit de le lui dire et là tu sauras. Tu en finiras avec tes regrets et peut-être que tu auras une bonne surprise. C'est mon avis et sans prétention, je pense t'être plus utile à te bousculer comme je le fais plutôt que de simplement compatir avec toi.

Je reste muette sur le coup. Je sens la colère monter en moi et je suis à deux doigts de la lui éclater en plein visage. Heureusement pour moi, les mots me manquent si bien que je reste là à le regarder. Cependant, je réfléchis à ses mots et commence peu à peu à comprendre ce qu'il voulait me dire. N'aide pas celui qui conforte et maintient dans la médiocrité. Parfois, aider c'est donner un bon coup de pied au cul pour l'en sortir.

Et Harry que je ne considère même pas comme un ami vient de me le faire comprendre.

— Je reconnais mes tords, dis-je finalement. Je fais n'importe quoi en ce moment et ça m'énerve.

— Justement, ce que je veux te dire c'est que tu as les moyens d'arrêter et de tout réparer. Tu as de la chance de le pouvoir... Regarde-moi, mon copain est parti pour un autre et qu'est-ce que je peux faire pour réparer ça ? Rien ! Contrairement à moi, toi, tu peux agir. Tu as été nulle, soit. Mais ça ne veut pas dire que tu l'es pour autant. Par contre, si tu continues à pleurer sans rien faire, là tu le seras vraiment.

Ses mots sont durs mais sonnent très justes. Si on m'avait dit qu'en venant ce soir que je parlerais avec un inconnu et y trouverais du réconfort, jamais je ne l'aurais cru. 

Mon nom est SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant