Chapitre 44 - Audience avec Sa Majesté

10 2 0
                                    

C'est à ce moment que reviennent Justine et Jérémy, mettant un terme à notre discussion.


 Je crois que je ne pouvais pas espérer meilleure soirée que celle que nous avons passée tous les quatre. Et quelle joie de retrouver Harry ! Notre petite discussion a renforcé l'estime que j'avais déjà de lui. Qui plus est, je lui suis reconnaissante d'avoir autant pris soin de Jérémy par le passé et d'autant plus de continuer encore aujourd'hui.

L'heure est aux salutations. Je prends Justine dans mes bras et embrasse Harry. Il ne reste plus que Jérémy et moi désormais.

— Je t'offre une balade en voiture ? lui demandé-je alors que nous rejoignons mon véhicule.

— Ça me va, je n'ai pas ton adresse... contrairement à d'autres ! me lance-t-il avec malice.

D'abord confuse, je lui lance finalement un sourire narquois. C'est lui-même qui m'a dit attendre de moi que je sois prête à tout. Et oui, je suis une femme qui accorde de l'importance aux mots. Malgré tout, ces derniers me manquent pour décrire le plaisir d'avoir Jérémy à mes côtés. Il m'est difficile de réaliser que je l'emmène chez moi, dans ma petite bulle intime.

Derrière mon volant, je me promets de rester calme. Conduire est pour moi une façon bien particulière, je dois l'admettre, d'extérioriser tous ces sentiments négatifs en moi et dont j'ignore l'existence jusqu'à ce qu'ils éclatent.

Étant prévu que rentre avec Jérémy, Harry l'a emmené jusqu'au restaurant. Or, vous comprenez que si je laisse libre cours à tout cela, je crains qu'il ne préfère mettre un terme à notre histoire. Celle-ci est suffisamment inespérée alors autant mettre toutes les chances de mon côté. Vous ne croyez pas ?

Il y aurait de quoi être effrayé à voir une femme se faire posséder par ses démons intérieurs...

Fort heureusement pour moi, rien à signaler, j'ai réussi à contenir le dragon qui sommeille en moi. Jérémy se gare un peu plus loin et j'attends qu'il me rejoigne. Le voir surgir du fond de ma rue me semble irréel. Quand il me voit, il fait des petites foulées pour me retrouver au plus vite. Il dépose un baiser sur mes lèvres, signal que j'attendais avant de monter dans mon appartement.

Au moment de faire jouer ma clé dans la serrure, j'entends Socrate miauler derrière la porte. Tout au fond de moi, je prie pour que mon briefing ait fait son petit effet. À peine la porte est-elle ouverte que Socrate vient se frotter contre mes jambes, roucoulant de plaisir. Soudainement, elle s'aperçoit de la présence de Jérémy et cesse toute activité.

C'est mal parti...

Il y a des jours où je me demande si Socrate est vraiment un chat ou plutôt une diva réincarnée. Ce soir-là, alors que je me prépare à introduire Jérémy dans notre humble demeure, Socrate me regarde avec l'air de celle qui jugeait les pharaons. Un miaulement dédaigneux s'échappe de sa bouche comme pour dire : « un humain inconnu et non identifié dans mes quartiers ? »

— Viens, ma princesse, fais-je en la portant dans mes bras, espérant la convaincre de son importance inébranlable.

Et elle n'a pas princesse que de nom. Son comportement est digne de la pire des princesses grincheuses et capricieuses. Elle feint de se débattre avant de relâcher tous les muscles de son corps. Je crois porter une poupée de chiffons.

Jérémy, de son côté, se tient prêt avec un paquet de friandises pour chats que je lui ai préalablement fourni pour l'appâter. Pas de jugement, il faut ce qu'il faut... Une tentative de corruption féline, peu subtile mais que j'espère efficace. Mais Socrate n'est pas dupe. Elle jette un œil méprisant au paquet, comme si elle se trouvait devant un plat de haricots verts en boîte.

— Je te présente Socrate, dis-je en agitant sa patte en direction de Jérémy.

— Enchanté de faire enfin ta connaissance, le chat, tente-t-il en agitant sa patte.

Maintenant que les présentations sont faites, je fais faire le tour du propriétaire à Jérémy, toujours avec Socrate entre les bras. Quand on arrive dans le salon, je la dépose tout en haut de son arbre à chat.

— Je croyais que tu plaisantais quand tu parlais de château...

Jérémy recule de quelques pas pour observer dans son ensemble l'arbre à chat qui avait l'apparence du château tant reconnaissable de Disney. Bien que ce ne soit qu'une représentation réduite, on retrouve cet aspect emblématique et féerique. Tout en fourrure, il y a le pont-levis qui donne sur des couloirs qui mènent aux tours où se dessinent des balcons.

En effet, cet arbre à chat est admirable. Il peut l'être au prix acheté... Mais n'est-ce pas une dépense nécessaire pour Sa Majesté, Socrate ? Ce n'est qu'une fois son royaume retrouvé que Socrate me regarde avec une expression qui semble dire que pour moi, elle va faire des efforts. Puis, elle saute sur le canapé et se dirige prudemment vers Jérémy, ses déplacements lents et mesurés comme si elle participait à une cérémonie de paix entre deux royaumes rivaux.

Jérémy et moi n'osons bouger de peur de réduire à néant cette tentative d'approche. Quand elle arrive auprès de lui, Socrate s'assied et le contemple quelques secondes. Et puis... miracle ! Elle s'approche encore un peu, renifle sa jambe et s'y frotte délicatement. Jérémy me regarde, abasourdi.

— Tu as réussi, dis-je, triomphante.

Jérémy se permet désormais de la caresser. N'étant pas dupe, il se doute que Socrate ne fait jamais rien sans une bonne raison. C'est que je lui parlais souvent d'elle en même temps, forcément il la connaît un minimum... Il me sourit et dit doucement :

— Peut-être qu'elle sait que tu tiens à moi.

— Elle ne se trompe jamais pour ça, je réponds, heureuse.

Avec la grâce d'une reine qui vient d'accorder une audience, Socrate retourne à son arbre à chat, s'installe en haut d'une tour et commence à se lécher dans l'indifférence la plus totale.

Nous avons tous deux conscience d'avoir assisté à un miracle. 

Mon nom est SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant