Chapitre 48 - La yourte

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— Comment ça, il faut réserver ?


 Abattue, je suis bien obligée de sortir Socrate de sa caisse. Celle-ci m'adresse un regard perdu, ne comprenant pas à quoi je joue, elle qui se faisait une joie de séjourner chez tata Justine.

Nous nous installons dans le canapé avec Jérémy après que j'aie pris mon ordinateur portable, habituellement bien rangé pendant les vacances. J'ai beaucoup à faire pour préparer ma rentrée, mais chaque chose en son temps. Je sais pertinemment que je m'y prendrai à la dernière minute, comme toujours.

Nous nous connectons au site pour réserver. Nous trouvons parfois des destinations qui nous plaisent, mais aucune réservation n'est possible pour le jour même. Je prends sur moi pour ne pas m'agacer et tambouriner mon clavier de frustration, afin que Jérémy ne découvre pas la facette obscure de ma personne. Perdue dans mes pensées pendant qu'il cherche, je me dis que cela arrivera forcément un jour ou l'autre.

Après lui avoir tendu l'ordinateur pour qu'il regarde, je reste assise, me contentant de jeter des regards en coin.

— Je crois avoir trouvé quelque chose, lance-t-il, victorieux.

Je me redresse subitement, prise d'un regain d'énergie, comme si une étincelle d'excitation venait de me traverser. Je nous imagine déjà dans un hôtel de luxe avec un accès au spa, à la piscine et au sauna.

Jérémy se met à me faire la lecture du descriptif :

— Séjour insolite en yourte, une seule nuit pour deux personnes... annonce-t-il lentement, s'interrompant un instant comme s'il cherchait quelque chose. Le montant correspond à celui de ta box. Et si je réserve... C'est disponible aux dates que nous avons choisies !

Il brandit le bras en signe de triomphe. Quant à moi, je cache tant bien que mal ma désillusion. L'image de l'hôtel aussi somptueux que douillet disparaît peu à peu pour laisser placer à une espèce de tente.

Jérémy voit mon malaise et me demande :

— Ça ne t'emballe pas ?

— Je... commencé-je, hésitante. Franchement ? Ça va être super, j'ai vraiment hâte !

Ne soyez pas surpris et ne pensez pas que je joue les hypocrites. Il me suffit de plonger mon être dans le regard de Jérémy pour réaliser que, où que nous allions, du moment que je suis avec lui, l'endroit m'importe peu.

Jérémy fait donc la réservation et annonce que nous partons en weekend une fois le mail de confirmation reçu.

— Par contre, ça nous fait partir demain, précise-t-il.

— Et où se trouve notre palace d'une nuit ?

— Pas très loin, sur la côte normande.

J'appelle une nouvelle fois Justine et la tiens informé de notre changement de programme.

Le lendemain, nous chargeons mes affaires dans la voiture, déposons Socrate chez Justine, et faisons un détour par chez Jérémy. Il m'offre un café pendant qu'il prépare ses affaires. Je me retrouve donc chez lui sans avoir ni à me cacher, ni à m'enfuir comme une voleuse. Comme lui la veille, je me promène dans les pièces, examinant de près ce qui s'y trouve. Il y a beaucoup de cadres contenant des photos de lui et Nina, mais dans l'ensemble, la décoration est très légère, voire inexistante. À une exception près : le frigidaire, qui est littéralement recouvert de dessins.

Postée devant, je regarde chacun des dessins annotés d'une date. Si je retournais les photos, je suis certaine d'y trouver des dates également. Je sens la volonté de Jérémy de préserver les souvenirs dans les moindres détails. Le décès de son ancienne femme l'incite peut-être inconsciemment à agir de la sorte. Peut-être que ses rêves reflèteraient sa crainte profonde de perdre à nouveau ce qui lui est cher.

Mon nom est SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant