Mon nom est Sarah

Chapitre 21 : Bonne année !

Ses mots sont durs mais sonnent très justes. Si on m'avait dit qu'en venant ce soir que je parlerais avec un inconnu et y trouverais du réconfort, jamais je ne l'aurais cru.

Harry et moi discutons respectivement de nos vies sans que jamais je ne parle directement de Jérémy. J'ai le plaisir de constater qu'il est bon et facile de se confier à un inconnu. Mais bien que Harry soit empli de bienveillance et se montre attentif, je ne peux me résoudre à entrer dans les détails et à nommer Jérémy. J'ai décidément un problème avec les prénoms... Cependant, ce dernier ne pose jamais de question indiscrète, me laissant parler uniquement de ce dont j'ai besoin.

Ses réponses m'apportent énormément et m'aident à réfléchir. En retour, il me parle de lui, de sa vie et de son échec amoureux. Il était en couple depuis près de deux ans mais sans toutefois partager leur quotidien tous les deux. Ils ont vécu séparément tout ce temps sans parvenir à se projeter. Je crois que c'est la raison pour laquelle Harry vivait aussi bien sa séparation.

Pendant ce temps, nous sommes indifférents à la soirée qui se déroule. C'est comme si nous étions derrière une vitre, Harry et moi, à discuter dans l'indifférence la plus totale. À un moment donné, il me semble avoir aperçu Justine dans les escaliers. Très certainement qu'elle me cherchait et m'a laissé en compagnie de Harry quand elle nous a vu.

Nous sommes tirés de notre discussion quand la foule se met à faire le décompte.

— DIX... NEUF... HUIT...

D'un même geste, Harry et moi regardons l'heure et constatons que nous avons parlé pendant des heures. Nos regards se croisent et nous nous joignons aux autres.

— SEPT... SIX... CINQ...

L'année se termine donc ainsi. J'aurais aimé la fêter dans un meilleur état d'esprit, mais surtout, j'aurais aimé ne pas faire n'importe quoi. Voilà mon seul regret.

— QUATRE... TROIS... DEUX...

Peut-être réussirais-je à prendre de bonnes résolutions et pourquoi pas me racheter auprès de Jérémy ? Harry m'a convaincu que je pouvais réagir plutôt que de m'apitoyer. Et comme il me l'avait précisé, c'est facile à dire mais moins à faire. Désormais, tout repose sur mes épaules.

— UN... BONNE ANNÉE !

À cet instant, j'ai le sentiment de pouvoir repartir sur de meilleures bases. La légèreté de ce moment me laisse croire que tout est réalisable. N'est-ce pas déjà un grand changement que de me voir avec un inconnu en plein milieu d'un bar à avoir fait le décompte ?

À ma plus grande surprise, Harry se lève et me prend dans ses bras. Il me soulève alors, me faisant rire par la même occasion et vient déposer deux gros baisers sur une même joue. On aurait dit le baiser d'une vieille tante, mais ce détail ne manque pas de me faire rire davantage.

— Je trouve ça tellement nul d'attendre ce moment pour se souhaiter de bonnes choses. Comme si le reste de l'année, on désirait du mal pour les autres, je crie pour me faire entendre. Mais je suis sincère, Harry, quand je te dis que je te souhaite d'être heureux et je peux maintenant l'affirmer, ton ex a vraiment fait de la merde pour le coup.

C'est un bon garçon, gentil et d'une grande sagesse qui plus est. Je pense ce que je viens de lui dire. Il me gratifie d'un regard.

Autour de nous, tout le monde se lève et s'embrasse. Que l'on soit ami ou non ne change strictement rien. Oui, je crois qu'un changement s'opère désormais en moi. Je crois aussi qu'il me sera positif.

Vient un inconnu, un homme tenant bien maladroitement sa choppe. Il renverse le contenu de son précieux breuvage mais il en a suffisamment abusé pour ne pas en tenir rigueur. Je le vois qui se rapproche, les bras tendus dans ma direction. Je rêve ou il veut vraiment venir m'embrasser ? Je tire Harry par le bras et esquive l'assaut au dernier moment. L'inconnu au bataillon ne semble pas s'en apercevoir et finit sa route dans les bras d'un autre.

C'est une nouvelle année qui commence et j'ai décidé de faire des efforts, mais il ne faut pas non plus abuser et trop me demander.

— Sarah !

J'entends qu'on m'appelle. Sur la pointe des pieds, j'essaye de trouver retrouver Justine parmi la foule. Elle crie encore mon nom et je la vois s'agiter pour se faire repérer. Au moment où je la prends dans mes bras, je remarque sa surprise.

— Justine, je te présente Harry, fais-je en lui désignant le concerné.

Elle fronce les sourcils, se demandant certainement à quoi je joue. Il est vrai qu'elle n'est ni au courant de ma situation avec Jérémy, ni de celle de Harry qui ne représente aucune menace pour moi.

De son élégance toute naturelle, Harry lui dit être enchanté de la rencontrer. Puis il se tourne vers moi et me dit :

— C'est le moment pour moi de partir, je venais juste prendre un verre à la base. Mais j'ai été ravi de tomber sur toi. Je crois pouvoir affirmer qu'on a finalement passé une bonne soirée !

En guise d'adieux, il pose une main sur mon épaule. Une main réconfortante et qui semble me communiquer des encouragements pour la suite.

Ce n'est qu'une fois celui-ci sorti du bar que je réalise que je n'ai pas récupéré son numéro. Peut-être ne voulait-il pas me le donner ? Toujours est-il que je regrette de ne pas l'avoir fait. J'aurais aimé garder contact avec lui, certaine qu'une belle amitié aurait pu naître.

— T'inquiète, Harry est gay, dis-je à Justine qui me fixe toujours de la même façon.

Mon expression n'est plus celle du début de soirée. Je suis souriante et ravie d'être à cette soirée. Justine le voit et me dit :

— Je t'avoue que j'étais un peu déçue quand j'ai remarqué que tu étais partie. J'ai même cru que tu étais rentrée sans me le dire. Puis, je t'ai vu parler avec ce bel inconnu. T'avais l'air bien... Je suis contente que tu aies réussi à profiter de la soirée.

Elle fait une pause, regardant autour d'elle, apparemment encore surprise de me voir si bien au milieu de cette folie.

— Tu veux bien m'en parler maintenant ?

Mon sourire disparaît alors. Le moment était venu de tout lui raconter. Nous allons chercher nos manteaux et nous dirigeons vers la sortie. Cette fois-ci, j'avais besoin d'être au calme pour me confier. Une fois dehors, nous nous emmitouflons dans notre manteau, frigorifiées par ce froid mordant.

Et voilà, je lui déballe toute l'histoire. Pendant que je parle, Justine reste silencieuse, se contentant de me fixer de sa façon bien à elle. Quand je m'arrête, elle m'encourage d'un geste de la tête et je reprends mes aventures.

— Sarah... Lâche-t-elle finalement une fois mon récit terminé. Des fois je n'arrive pas à te comprendre. Tu l'adores ce mec et tu arrives à tout foutre en l'air.

— Je sais, dis-je l'air abattu.

— Mais Harry a raison, ce n'est pas trop tard. C'est vrai que ce garçon avait l'air sympa d'ailleurs... Même si tu as l'air heureuse ce soir, tu restes malheureuse dans le fond. Je le vois, Sarah.

Elle me prend alors dans ses bras. Cette accolade nous procure à toutes les deux une chaleur bienvenue. À faire du surplace ainsi, comme nous l'avons fait pendant que je lui racontais mon histoire, nous sommes toutes les deux gelées. Et ce n'est pas peu dire ! Je ne sens presque plus mes doigts de pied.

Elle veut retourner à l'intérieur, mais je lui fais part de mon envie de rentrer. Je la remercie encore pour cette soirée, lui assurant qu'elle m'avait fait beaucoup de bien. Ce n'était pas un mensonge car le poids qui m'écrasait semble désormais plus léger à porter.

Sur le chemin du retour, dans ma petite voiture en désordre et au chauffage à fond, je réalise que je ne risque pas de dormir de sitôt avec tout le café que j'avais bu. Je vois là cependant l'occasion de réfléchir à tout ceci et trouver un moyen de réagir quant à ma situation avec Jérémy.