Quand arrive le moment de franchir la ligne d'arrivée, c'est ensemble. Malgré nous, aucun de nous n'a réussi à dépasser l'autre. Je suis littéralement au bout de ma vie. Je peine à reprendre mon souffle mais je n'ai rien cédé et c'est ce qui compte sur le moment.
Une fois la course terminée, Jérémy ne m'a plus adressé la parole ni même regardé. J'ignore encore si sa réaction était plutôt bon signe pour l'avenir de notre relation. Je me dis que pour s'être montré aussi susceptible, c'est qu'il ne reste pas indifférent à nous deux. Je reconnais que je m'accroche assez désespérant à cette idée.
Toutes les classes sont passées dans la matinée. En deux heures de temps, c'était terminé. Sur le temps du midi, nous avons compté l'argent récolté pour l'association. De tous les lièvres, j'ai été, avec Jérémy, la seule à ne pas avoir vraiment respecté mon rôle.
— J'ai pas compris pourquoi tu as couru comme ça, dit une première collègue.
— Vous avez complètement paumé les gamins, ajoute celle dont je tais encore une fois le nom. Ce n'était pas une course que je sache !
Que peuvent-elles savoir de ma situation ? Absolument rien, voilà. En plus de me casser les pieds avec cette histoire, elles ne font que remuer le couteau dans la plaie béante de mon coeur. Voilà pourquoi je me réfugie dans la mauvaise foi devant une Justine qui ne sait comment me venir en aide.
— Ce n'était pas une course ? répété-je. Alors dis-moi ce que c'était, parce que là je crois avoir raté quelque chose.
Elle me cherche depuis quelques temps, et bien elle m'a trouvé. Justine me fait les gros yeux mais n'ose rien ajouter.
— Bien-sûr que c'était une course. Mais l'objectif n'était pas d'aller le plus vite. Ce n'était pas le but pédagogique. Comment les élèves pouvaient-ils acquérir une bonne maitrise de leur motricité ?
Elle me lance un regard dédaigneux avant de poursuivre.
— Sans te parler de la gestion de l'effort. Cognitivement, vous n'avez pas montré comment reconnaître des signes de fatigue. Oui, parce qu'on a tous vu que tu étais H.S à la fin.
Je me contiens depuis tant de temps, pour mon propre bien mais surtout pour le bien de la relation que je m'évertue de sauver avec Jérémy. Autant vous dire que là, je n'ai aucune raison de prendre sur moi.
— Dis le B.O*, je ne crois pas t'avoir demandé quelque chose.
Justine se fige. Elle connaît mon avis sur cette collègue et craint certainement que j'en fasse part à tout le monde.
— T'es gentille de te préoccuper des acquis de mes élèves, mais avant de critiquer occupe-toi de tes élèves. Tu veux savoir quelque chose ?
— Non, on ne veut pas savoir, me coupe Justine.
Son intervention lui vaut un regard meurtrier, mais elle parvient à m'arrêter juste à temps. La collègue concernée se tient aussi raide sur sa chaise que si elle avait un manche un balai là où vous savez. Outrée, elle tient sa main posée sur sa poitrine mais me donne surtout l'impression qu'elle s'apprête à chanter l'hymne national à tout moment. Justine a raison, autant l'ignorer comme je l'ai toujours fait.
Un lourd silence s'abat sur la réunion. Cela a le mérite de nous faire reprendre comme si de rien n'était.
Nous avons rempli le chèque du montant des dons récoltés, pris la photo tous ensemble et la journée s'est terminée comme tous les autres jours. Maussade, j'attendais la sortie dans l'espoir de le revoir, mais c'est la nourrice qui est venue récupérer Nina.
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Mon nom est Sarah
RomanceSarah se retrouve à devoir sortir de sa zone de confort le jour où sa meilleure amie lui installe une application de rencontre et qu'elle y fait la connaissance d'un homme. Sarah et son mystérieux prétendant vont s'engager dans une relation semée d'...