Chapitre 40 - En attendant les vacances

14 2 0
                                    

Cela étant, mon sang se fige dans mes veines. Je réalise que je vais devoir rester plantée là sans faire de bruit et sans possibilité de me mouvoir à ma guise. 

 Deux semaines ont passé depuis cet incident. Avant de poursuivre, je tiens à vous raconter ce qu'il est advenu de moi dans cette buanderie.

Le temps est passé lentement, chaque seconde m'a semblé durer une éternité. De ma cachette, j'ai entendu les complices et réguliers échanges ponctués de rires entre Jérémy et sa fille. J'ai imaginé la scène : Jérémy distrayant Nina tout en gardant un œil sur la buanderie, conscient de ma présence à seulement quelques mètres.

Ma solitude n'a été interrompue que par le bruit des dessins animés à la télévision. Durant tout ce temps, mon cœur n'a cessé de battre la chamade. Pour me soulager, j'ai pris de longues inspirations en espérant que mon calvaire prendrait bientôt fin.

J'ai alors entendu des murmures indistincts puis des pas se rapprocher de ma cachette.

— On va aller prendre le petit déjeuner, mais avant ça, tu vas aller te préparer dans la salle de bain, d'accord ? ai-je entendu Jérémy dire avec douceur.

Sans protester, Nina s'est enfin éloignée et j'ai alors relâché un soupir que je ne me rendais même pas compte de retenir. De nouveaux pas se sont fait entendre avant que la porte ne se soit refermée.

— C'est bon, tu peux sortir, m'a-t-il glissé.

Je me suis alors faufilée hors de ma cachette, mes jambes complètement engourdies par la position inconfortable. J'ai grimacé en m'habillant à la hâte. Jérémy m'a accueilli avec un curieux sourire, mi-amusé, mi-désolé. Je n'ai pas pu m'empêcher de rire en silence de cette situation absurde dans laquelle nous nous sommes retrouvés.

— Ravie de la visite improvisée, ai-je dit encore nerveuse. Nina ne risque pas de revenir ?

— C'est bon, elle prend déjà tout son temps pour se préparer. J'ose à peine imaginer ce que ça donnera une fois adolescente, m'a-t-il répondu en passant une main dans ses cheveux. Vraiment désolé pour tout ça... Ce n'était pas le réveil que j'imaginais. — Ne t'inquiète pas, disons que c'était mémorable.

Nous avons échangé un nouveau sourire complice alors que Jérémy est resté en alerte, juste au cas où. L'heure est venue pour moi de faire mon exfiltration. Nous sommes descendus tous les deux, marchant sur la pointe des pieds pour ne pas nous faire remarquer. En descendant les escaliers j'ai entendu Nina chantonner gaiement dans la salle de bain.

Une fois que nous sommes arrivés en bas, Jérémy m'a ouvert la porte et m'a demandé :

— On se voit bientôt ?

— Évidemment, ai-je dit en déposant un baiser sur ses lèvres. Passe une bonne journée avec Nina.

Jérémy a acquiescé et m'a regardé partir. Avant de disparaître, je me suis retournée pour capturer ce moment dans ma mémoire. Je lui ai adressé un signe de la main et me suis retournée, consciente que cette journée resterait gravée très longtemps dans nos esprits.

Après ça, nos échanges ont repris comme avant, à la différence qu'aucun mensonge ne venait entacher le tableau. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous revoir tous les deux. Nos seuls rendez-vous ont été à la sortie de l'école où nous avons tout mis en œuvre pour éviter de nous faire repérer. Comme ça a été frustrant de le voir presque tous les jours sans pouvoir le prendre dans mes bras ni même lui déposer un furtif baiser sur ses lèvres que j'aime tant.

Comme vous vous en doutez, Justine est au courant. Au moment de repartir de chez Jérémy, elle dormait à poings fermés, ce qui m'a valu un retour à pied. Quand elle a vu mon appel à son réveil, bien plus tardif que celui que j'ai partagé avec Jérémy, elle m'a aussitôt rappelée. Je lui ai plus ou moins détaillé ce qu'il s'est passé et je crois n'avoir jamais vu, ou plutôt entendu, Justine aussi excitée.

*

— Monsieur, puis-je vous parler un instant ?

Justine se tient au portail. Étonné, Jérémy se faufile parmi les parents et vient se mettre sur le côté. Je profite de l'occasion pour lui adresser un sourire. Tout aussi discrètement, il me sourit à son tour. Comme j'aimerais pouvoir lui sauter dans les bras et respirer son odeur. Celle-ci me hante continuellement.

— J'ai des documents importants à vous faire signer, ça ne peut pas attendre le retour des vacances, précise Justine en faisant abstraction de nos échanges.

Mes élèves sont tous partis en me souhaitant de bonnes vacances. L'avantage d'avoir des grands, c'est qu'ils n'ont pas besoin d'attendre leurs parents pour partir. Je quitte donc Justine et ses quelques élèves restants. J'adresse à Jérémy un signe avant de partir.

Me retrouver dans ma salle de classe vide me fait toujours un drôle d'effet. J'aime le calme et la discipline et pourtant le silence me pèse. Je charge mes sacs, récupérant toutes mes affaires en tâchant de ne rien oublier. J'aimerais autant éviter de revenir à cause d'un oubli.

C'est en voulant m'assurer que mon bureau est en ordre que j'aperçois mon ordinateur. Quelle idiote, me dis-je avant de le récupérer. Je crois qu'il ne me manque plus rien désormais. L'heure est venue de rentrer retrouver ma Socrate. Je me réjouis à l'idée de passer mes journées avec elle. Déjà ce matin, elle savait que nous allions bientôt passer tout notre temps toutes les deux. Certains animaux sentent l'heure à laquelle ils mangent. Socrate, elle, sait quand arrivent les vacances.

Mon sac sur le dos, deux autres sacs pesant trois fois mon poids suspendus à chaque bras, je me dirige vers la porte quand j'entends frapper. Qui cela peut-il être, me demande-je. Évidemment, on attend que je sois chargée comme une mule pour venir me déranger. Je dépose tous mes sacs en soupirant et ouvre la porte.

— Justine ?

Depuis quand frappe-t-elle à ma porte avant d'entrer ? À ma plus grande surprise, je vois mon amie s'écarter pour me faire remarquer l'homme qui se tient derrière elle et que je n'avais pas remarqué. Mon cœur s'emballe quand je découvre Jérémy.

— Sarah vous donnera les papiers à faire signer, lui explique Justine avant de s'éloigner avec Nina. Je m'occupe de Nina le temps qu'il faudra !

Justine s'éloigne, nous laissant tous les deux. Elle est une amie parfaite ! Avec le recul, peut-être en a-t-elle assez de m'entendre me plaindre que je n'arrive pas à voir Jérémy. Sans me prévenir, elle a fait en sorte que nous puissions nous retrouver tous les deux. Rien que lui et moi.

Mon nom est SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant