Chapitre 1 - Le bar

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Je pousse brusquement la porte du bar, le bruit de la foule et la musique m'accueillant dans une cacophonie soudaine. Des regards curieux se tournent vers moi, une brève pause dans leurs conversations. Je me mets frénétiquement à chercher du regard, à la recherche d'une amie chère qui m'avait donné rendez-vous.

Soudain, entre deux têtes, je la repère, son visage familier émergeant de la foule. J'accélère le pas alors que je me faufile habilement au milieu des tables, ignorant les regards intrigués. Un soulagement m'envahit en la rejoignant, un sourire illuminant mon visage alors que je m'assoie en face d'elle, un mélange de rire nerveux et de respirations apaisées.

— Salut Justine, désolé pour le retard !

La pauvre, je la fais attendre depuis une vingtaine de minutes dans ce bar miteux. Je tente désespérément de défaire mon manteau, en vain. Je gesticule dans tous les sens et mon écharpe démesurément grande se prend dans mes longs cheveux blonds. Je lâche un soupir et finis par m'agacer.

— Tu l'aurais retiré avant de t'installer... Soupire Justine. Je dis ça, je dis rien ! Ça fait une plombe que j'ai l'air d'une débile toute seule alors si tu pouvais éviter d'attirer l'attention encore plus, ça m'arrangerait.

Je me lève et retire mon manteau, manquant d'assommer le vieil homme juste derrière moi. Il se retourne et me foudroie du regard.

— Désolé ! Lancé-je avec stupidité.

Une fois débarrassée de ce gros manteau d'hiver, je peux enfin m'assoir et reprendre mon souffle. Certes, j'étais arrivée en retard mais ça aurait pu être pire si je n'avais pas couru.

Ce n'est qu'alors que je prends le temps de regarder autour de moi, histoire de voir où Justine m'avait trainé. Les murs sont défraîchis et portent les cicatrices d'un passé agité. Juste au-dessus du comptoir, usé par les années, émane la lumière vacillante d'une enseigne à moitié rouillée dévoilant avec peine le nom effacé de l'établissement.

— Charmant ton bar, dis-je avec sarcasme.

— C'est ce qui fait son charme. Tu ne sors pas assez pour apprécier le caractère des bars Rouennais. D'ailleurs, je t'avoue avoir été surprise quand tu as accepté de sortir.

Je rétorque d'un sourire :

— C'est que je suis une fille surprenante. Tu as déjà commandé ?

— Non, je t'attendais. Tu peux y aller par contre... Et payer par la même occasion. Tu seras pardonnée après ça, lance-t-elle d'un air faussement vexé.

Je me contente de lever les yeux au ciel, prenant à mon tour un air faussement agacé.

Ce bar ne vend vraiment pas du rêve, les semelles de mes chaussures font un bruit de succion à chacun de mes pas.

— Et le sol mal lavé, c'est ce qui fait son charme aussi peut-être ? Marmonné-je dans ma moustache. Moustache que je n'avais heureusement pas ! Je suis une jeune femme, une très jeune femme même. Je peux même dire que je suis dans la fleur de l'âge. N'est-ce pas ? Je n'ai que trente ans, célibataire avec un chat. Voilà... je crois que ça me résume très bien.

Le comptoir semble aussi bien lavé que le sol et fait l'étalage de quelques verres ébréchés et vides ainsi que d'une bouteille équivoque.

— Bonjour, je vais vous prendre deux cafés s'il vous plaît !

— Bien madame, je vous apporte ça.

Le con, il m'appelle madame et après on s'étonne que je ne veuille pas sortir. Mon visage sans moustache se crispe malgré moi lorsque je lui souris avec toute l'amabilité dont je suis capable.

Mon nom est SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant