Chapitre 31 - Short moulant et muscles saillants

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Le comble de la frustration, être plongée dans l'impuissance. Les évènements vont et viennent sans que je ne puisse interférer. Tel un navire malmené par la tempête, je navigue sur des flots qui n'ont pas fini de me réserver des surprises.

 

 Le matin de la course, nos classes respectives à Justine et moi sont réunies dans la cour. Les parents sont conviés à venir encourager les enfants et je dois bien reconnaître que c'est un franc succès. Je me rappelle ne pas avoir eu de candidatures pour tenir le rôle de lièvre et pourtant, nombreux sont les parents qui sont présents. Le journaliste est au rendez-vous aussi. Je suis fière de voir que tous les élèves ont joué le jeu en s'habillant comme de vrais coureurs.

Jérémy se trouve parmi la foule, lui aussi en tenue de sport. Je me suis figée un moment au moment de le voir tant il est canon habillé de la sorte. Il porte un débardeur noir ajusté en tissu technique qui fait ressortir ses pectoraux ainsi que ses épaules larges. Ce ne sont peut-être que des détails, mais je peux vous assurer que je n'ai rien manqué de tout ça ! Son short de course gris, en matière respirante, avec des accents rouges le long des fesses met en valeur ses contours impeccables. Malgré le froid, il est suffisamment court pour dévoiler ses cuisses finement musclées et magnifiquement poilues.

Justine finit par me donner un coup de coude, me tirant de ma contemplation. C'est interdit d'être aussi sexy ! Affolée par sa beauté, je me retourne brusquement vers mon amie.

— Tu as vu comment il est canon ?

Justine risque un regard discret, certainement plus insistant qu'elle ne le veut. Elle me fixe et incline doucement la tête vers l'avant pour me faire comprendre qu'elle voit très bien, elle aussi, ce que je veux dire.

Tandis que Sylvie s'occupe des derniers préparatifs avant de partir au parc, ma discussion avec Justine se poursuit.

— Tu crois qu'il a fait en sorte d'être aussi sexy pour moi ?

Je remarque Justine se figer d'un coup, pensive.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Je lui demande avec empressement.

— En fait, je viens de remarquer que je ne lui ai pas dit que vous alliez courir ensemble.

Je hausse les yeux au ciel avant de la rassurer.

— C'est rien, en même temps tu ne l'aurais pas précisé si ça avait été un autre parent.

Comment réagirait-il en l'apprenant ? Le connaissant, je me doute qu'il ne fera pas de scandale. Ai-je une petite chance que cela brise la glace ?

Quand nous arrivons au parc, le parcours a déjà été balisé par les agents de la commune. De sa grosse voix, Sylvie s'adresse aux parents, leur expliquant leur rôle. Comme avec les enfants, c'est en réalité une façon détournée de faire passer les consignes. Petit à petit, les autres classes nous rejoignent avec son lot de parents qui va avec. C'est un véritable rassemblement qui se tient une fois tout le monde arrivé.

Justine et moi avons l'honneur d'ouvrir la course. Le moment est donc venu pour Justine d'expliquer à Jérémy le déroulement.

— Encore merci à vous, vous êtes notre sauveur ! Aucun autre parent ne s'est proposé, lui dit Justine.

Je fais en sorte de garder mes distances tout en étant assez proche pour les entendre discuter. Je ne sais pas si je parviens à me faire discrète mais il est hors de question que je n'observe pas sa réaction. Un élève vient me voir, mais d'un geste de la main je lui fais comprendre que ce n'est pas le moment.

— Avec plaisir, répond-il simplement.

— Vous êtes donc le lièvre avec... avec ma collègue. Aucun élève n'a le droit de vous dépasser. C'est pour éviter qu'il ne se fatigue trop vite mais aussi pour leur imposer un rythme raisonnable.

Il acquiesce d'un mouvement de tête.

De mon côté, je fais mine de ne pas m'intéresser à leur discussion, mais toute mon attention leur est portée. Au moment où Justine a parlé de moi, je l'ai vu me regarder et ne rien laisser paraître.

Même si cela me fait mal, je reste admirative devant sa capacité à rester de marbre. Comment fait-il ? D'autant plus qu'il sait maintenant que ma Justine est une seule et même personne avec celle de Nina. Malgré ça, il parvient à rester naturel avec elle. Plus j'apprends à le connaître, même dans ces conditions, et plus mes sentiments pour lui grandissent à n'en pas douter. Quel homme pourrait se vanter de réussir à rester impartial dans ces conditions ?

C'est le moment pour moi de faire une tentative. Je m'approche d'eux en essayant de me montrer aussi forte que lui. À cet instant, je n'entends plus les rires des enfants et les discussions des adultes autour de moi.

Rien ne peut expliquer ce phénomène d'attirance que je ressens. Cet instant me rappelle ce rêve que nous connaissons tous. Vous savez, celui où l'on veut courir mais sans jamais y parvenir. C'est exactement l'effet que j'ai. Alors que j'avance, l'espace et le temps semblent s'étirer si bien que j'ai l'impression de rester sur place et de voir Jérémy au loin, inaccessible.

En réalité, il m'a suffi de quelques pas pour le rejoindre. Tout cela ne s'est passé que dans ma tête. Mais cela ne retire en rien cet aspect irréel de l'expérience.

— Bonjour Jérémy.

Je n'ai fait que chuchoter ces quelques mots. Et même dans ces conditions, je la sens frêle et sur le point de se rompre. Cependant, quel soulagement de m'adresser de nouveau à lui. J'ignore encore quelle sera sa réaction, mais je sais pourtant que je viens de faire quelque chose dont j'avais besoin. C'est une réaction purement physique que j'associe à un fumeur qui prend une cigarette après un long moment d'abstinence.

Jamais de toute ma vie je n'aurais pensé ressentir tout ceci. Ressentir cette attirance irrationnelle. Je crois que si je le comprends aujourd'hui c'est parce que j'ai conscience que je peux le perdre à chaque instant.

— Bonjour Sarah, me répond-il.

C'est la première fois qu'il dit mon nom. Cela me fait un drôle d'effet et ce mot résonne à mes oreilles comme un divin nectar. Depuis le temps que j'attendais ce moment.

Il a dit mon nom en me fixant droit dans les yeux. Nous restons ainsi un moment, faisant totale abstraction de ce qui nous entoure. Je ne saurais dire si c'est pas défi ou pour une toute autre raison...

Toujours est-il que me reviennent aussitôt ces intenses sensations éprouvées au cinéma. Est-ce le cas pour lui aussi ? Je suis incapable de le deviner, son expression ne trahissant rien de ce qu'il se passe derrière ce beau visage qui fait battre mon coeur.

Mon nom est SarahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant