Upper East Side || New York.
OCTOBRE.— En effet, après sa défaite contre l'équipe de Boston, Matveï Azarov a complètement disparu des médias. C'est à se demander s'il ne s'est pas tiré une balle dans la tête à cause de sa propre malchance.
Les écouteurs enfoncés dans mes oreilles, j'écoute les paroles du journaliste le plus en vogue en ce moment : Alexeï Andreev. Plus de deux millions de followers sur ses réseaux sociaux, ses interviews en Russie ont fait le tour du globe international : France, Amérique, Etats-Unis - New York en l'occurrence.
Ma chambre est plongée dans le noir depuis plus de deux semaines, je dois porter le même jogging puant la sueur et les traces de ma défaite contre Boston. À travers les bruits étouffés de l'interview, j'entends les gouttes de pluie se répercuter contre les vitres tout autour de la pièce.
— Pensez-vous que c'est de sa faute ?
— Qui ne le penserait pas ? avoue le journaliste en riant.
Relevant les yeux de l'écran de mon téléphone, je les pose sur le plafond à l'allure noirci et aux couleurs sombres. J'ai merdé, en beauté, Matveï Azarov est un nom qui se poursuit même en Russie. Je joue pour la Russie, il fallait s'attendre à ce que les supporters et les journalistes se déchaînent après ma défaite.
— Sa stratégie a complètement gâché ses chances de gagner ce match, sans lui, son équipe aurait sans doute porté le trophée devant tout le monde.
Délicatement, je retire mes écouteurs pour soupirer entre mes mains, dès mon adoption par Nikolaï et Marlon Azarov, je savais que j'allais être exposé de manière illégale à toute la Terre. Être russe et être adopté par deux hockeyeurs dont l'un a également joué pour ce pays ajoute des pressions supplémentaires.
Sur la chaise du bureau, j'observe le maillot portant mon nom et le numéro 81, encore couvert de crasse et de sang après m'être effondré sur la glace. J'ai conscience de renvoyer une image pathétique à mes parents depuis ce jour, quatre douches et seulement dix repas en deux semaines.
— C'est à toi de lui parler, tu peux comprendre ce qu'il vit.
— Comprendre ? блондинка, c'est toi qui m'as volé la victoire, je n'ai pas perdu à la loyal.
Les voix étouffées de mes parents retentissent derrière la porte en bois, ils font ça depuis six jours maintenant, l'un d'entre eux entre avec plus de confiance que l'autre pour avouer que ce n'est pas grave, que d'autres matchs plus importants se présenteront à moi.
— Nik bordel arrête de faire le gamin, c'est ton fils. Va lui parler.
Après un soupir, j'entends des pas descendre les escaliers et la porte s'ouvrir pour laisser un minuscule rayon de lumière s'infiltrer dans la pièce. Les notes de tabac, de bois de cèdre et de muscade me font fermer les yeux pour éviter de croiser ceux noisettes et familiers de mon père.
Son eau de parfum signée Molton Brown envahit la chambre en cachant les effluves de sueur et de produits chimiques pour tenter de nettoyer mon sac entier d'entraînement. Contournant le lit, son bras tatoué débranche les écouteurs pris dans mon Iphone.
— En clair, Matveï Azarov n'atteindra jamais le niveau de son père.
Détournant le regard, j'inspire lentement l'air embrumé de la chambre. Ce ne sont pas les seuls articles et interviews qu'Alexeï Andreev a postés en deux semaines, il en existe plus d'une cinquantaine avec les mêmes phrases dévalorisantes.
Du coin de l'œil, j'aperçois mon père pousser un léger rire avant d'éteindre complètement mon téléphone. Aucun contact avec l'extérieur, aucun journal, aucun réseau, c'est ce qu'il préconise depuis mon entrée dans le hockey après chaque défaite.
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STARBOY
RomanceT3. De son nom adoptif, Dior Ivory Arslan Shaplen, est un fils surprotégé par ses deux pères, Cooper et Colin. Les deux plus grands hockeyeurs de Los Angeles, des États-Unis et de la Californie. L'atmosphère des articles, des interviews et des photo...