Brutale Rédemption

Chapitre 9: A la tienne. Yury

— Ce n'est pas l'humaine que t'as sauvée ? me dit Gabriel pendant que je finis le fond de mon verre.

Je me retourne et vois cette pauvre fille s'enfoncer dans l'antre des enfers. Sans grand étonnement, ses yeux sont rivés sur moi.

— Nom de Dieu, soupiré-je en lui tournant le dos.

— Mec !

— Elle vient vers nous ? demandé-je, agacé.

— Elle est juste derrière-toi, répond-il, le sourire crispé.

Je me retourne et hausse les sourcils, étonné de voir à quel point elle est proche.

Elle glousse et se triture les doigts comme une enfant de dix ans.

— Je peux faire quelque chose pour toi ?

Mon ton est sec. Cinglant.

Elle continue de glousser et son regard se promène de mon frère à moi.

— Oh, mille excuses, bébé, je suis Gabriel, le plus beau frère d'Ur...de Yury !

Elle attrape sa main tendue et la lui serre, tout sourire.

Mon frère ne manque pas de s'essuyer les mains sur la veste de son costume pendant qu'elle l'imite.

— Excusez-moi, j'ai les mains moites. Je suis un peu nerveuse.

— Pas qu'un peu on dirait, continue mon frère d'une voix anormalement aigüe.

— Je voulais te parler.

— Encore ?

Son regard se repose sur Gabriel avec une gêne non dissimulée.

Apparemment ce qu'elle a à me dire est de l'ordre du privé. Pourquoi les humains sont si étranges ?

— Oh, oui, bien sûr, je vous laisse...

— Reste. Ça ne va pas durer longtemps, n'est-ce pas ? lâché-je d'un ton froid.

Son visage se décompose. Ses yeux tressautent comme si elle était victime d'un électrochoc. Pourtant, son sourire ne se dissipe pas. Il s'est juste...transformé. Il faut avouer que depuis que je suis sur Terre, j'ai rarement vu une humaine comme elle. Banale. Insupportable et à la fois spéciale. Elle a cette harmonie sur son visage qui lie parfaitement la peine et la tristesse à une joie de vivre forcée, presque vitale. Cette pauvre fille a un besoin incurable d'être heureuse, ou du moins de le paraitre. Un masque qui lui siée à la perfection, il faut l'avouer.

— Très bien... se lance-t-elle.

Mes yeux ne la quittent pas. Ils sont pressés et hostiles.

Ils ont vraiment tous décidé de me gâcher la soirée ? C'est à croire que c'est un crime de vouloir être seul.

— Déjà...je voulais te remercier pour m'avoir sauvé la vie...deux fois, dit-elle en continuant ses gloussements pitoyables.

— ça, tu me l'as déjà dit.

— C'est vrai, marmonne-t-elle en me fuyant du regard.

— Tu as dit « déjà ». Quelle est cette deuxième chose qui ne pouvait pas attendre que l'on se rencontre dans une autre vie ?

— Yury, tousse faussement mon frère.

Malgré mes piques, elle parvient à conserver son faux sourire, ce qui me rend presque admiratif. Je ne sais pas si elle est plus pathétique que ce je pensais, ou courageuse.