Chapitre 29: Rentrons à la maison. Yury

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— C'est pas normal, mec ! gémit Raphaël. Azazel ne s'adresse jamais aux humains !

— Là c'est différent. L'enjeu est trop important.

Je continue d'avancer à grandes enjambées, concentré, l'esprit occupé.

— Quoi ? Qu'est-ce qui est différent ? crie Nastasia qui a du mal à nous suivre. C'est quoi l'enjeu, bordel ?

— Si Azazel s'y met, les autres ne vont plus tarder. Il y a déjà Mammon et Méphisto qui la suivent partout, ce n'est qu'une question de jour avant qu'ils l'imitent.

— Yury ! hurle-t-elle, tu vas m'expliquer ce qu'il se passe ?

Sa voix est de plus en plus lointaine. Elle ralentit le pas. Je me tourne face à elle, l'air furieux pour la sommer d'accélérer.

— J'ai croisé Belzébuth au centre-ville, hier. Il monte rarement, continue Raphaël, la voix tremblante.

Je hoche la tête et me frotte le visage.

— On va tous les avoir sur le dos. Il ne laissera pas l'occasion de lui échapper. Le Bouc est coriace.

— Yury-Uriel-Tête-de-con, je t'ordonne de me dire ce qu'il se passe !

— Comment tu le sens ? me demande mon frère.

Je me retourne vers l'humaine en furie. Elle est essoufflée, en colère. Sa démarche est saccadée. Un mauvais pressentiment m'assaille. Tout ça devient plus compliqué que ce que je pensais. Ils sont bien trop pressés. Je ne sais pas si je vais avoir le temps de la...réparer.

— Mal, dis-je en me reconcentrant sur ma route. Nastasia est du pain béni pour eux. Une coquille vide prête à accueillir la Vaine Gloire.

— Il va falloir combler ce vide avant qu'ils ne mettent la main sur elle !

— Sans déconner, Raf ! Je n'y avais pas pe...

Soudain le visage de Nastasia se fige dans mon esprit. Mes muscles se tendent. Mes dents se serrent. Il n'y a plus de bruit. Plus de jérémiades, plus ce bourdonnement désagréable que sa voix me provoque.

Je me retourne, le cœur battant. Elle est en plein milieu de la route, les bras en croix. Un klaxon me fait sursauter. Un bus s'approche. Mes mains tremblent.

— Putain, elle fait chier, m'énervé-je en courant à vive allure.

En quelques secondes, mon corps se plaque contre le sien. La vitesse nous projette de justesse sur le trottoir d'en face, laissant le klaxon du bus en colère, résonner au loin. Après le roulé-boulé, je me trouve allongé sur le sol, sur mon humaine.

Mon cœur bat jusque dans ma gorge. Je suis furieux. Essoufflé. Haletant. L'effort physique n'y est pour rien. Non. Je la regarde. Je la scrute dans le moindre détail à la recherche d'une éventuelle blessure.

Elle n'a rien.

Je veux lui hurler dessus, lui faire prendre conscience à quel point elle est irresponsable et stupide. Mais une première larme glisse du coin de son œil. Puis une deuxième. Ses lèvres se retroussent. Elles tremblent. Ses cheveux blonds sont éparpillés sur le bitume encerclant son visage comme...comme un soleil. Le plus beau mais aussi le plus triste que je n'aie jamais vu.

Je prends une grande respiration pour recouvrer mon calme et son odeur, son parfum se heurte à mes narines pour se loger directement dans mon cœur qui ne cesse de s'emballer.

Elle cède à ses sanglots et je reste allongé sur elle, mon coude près de sa tête. Il n'y a plus rien autour. Plus rien qui compte. J'essuie ses larmes qui se font plus nombreuses. Je ne décroche plus mes yeux d'elle. Malgré la tristesse qui déforme son visage, l'évidence me frappe. Il n'y a pas de doute. Nastasia Volha est l'humaine la plus belle qui m'ait été donné de rencontrer.

Je me relève et fusille les derniers passants du regard. Ils l'observent comme une bête de foire pendant que mes poings se serrent, impatients de leur faire payer leur manque de délicatesse. Quant à elle, mon humaine reste allongée et se recroqueville sur le côté, les sanglots de plus en plus incontrôlables. Ça fait beaucoup pour elle. Je lève les yeux vers le ciel, furieux qu'il ne l'est pas ménagé une seule foutue seconde. Elle en a bavé, il faudrait peut-être lui laisser un peu de répit.

Un nœud se forme dans ma gorge et ne me quitte plus. Une sensation familière l'accompagne. Elle me submerge. Un ressenti que je n'ai pas éprouvé depuis des siècles. Une envie incontrôlable, un besoin vital de mettre un terme à sa douleur. Nastasia Volha est une âme brisée et pourtant, je n'oublie aucun moment de nos rencontres. Aucun détail. Depuis que nos chemins se sont croisés, son sourire, sa voix chantante et ses yeux brillants ne cessent d'accompagner mes nuits bien trop longues. Même si ces dernières semaines, je me suis voilé la face, il ne fait plus aucun doute qu'elle est plus forte que je ne le pense.

Je m'accroupis et glisse un bras sous sa tête, l'autre sous sa cuisse. Ses sanglots se figent dans le temps tandis que ses yeux trempés se plongent dans les miens. Nastasia Volha est dans mes bras et plus rien ne pourra lui arriver.

— rentrons à la maison.

Elle se blottit contre mon torse et serre ma chemise entre ses mains me suppliant silencieusement de ne plus jamais la laisser tomber.  

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant