Chapitre 49: T'as fait fort sur ce coup-là. Yury

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            Je marche sans savoir où je vais. La chemise débraillée, c'est à peine si je sens l'air frais de la nuit. Mes tatouages sont à la vue de tous mais c'est le cadet de mes soucis. Mon esprit me torture, il se joue de moi. Je traverse les rues de Londres pour m'éviter la damnation éternelle pendant que son visage s'amuse à se figer dans mon satané crâne.

Le ciel a cessé ses conneries quand j'ai arrêté les miennes. Le Céleste a recouvré son calme. J'aurais aimé en dire autant mais je continue à errer sans but, sans destination précise. Il faut juste que je sois loin d'elle. Loin de ses yeux, de sa voix qui m'attirent comme des aimants.

Un bruit d'ailes résonne au-dessus de moi et s'étouffe dans une ruelle sombre. Je continue ma route sachant qu'un Ange vient d'atterrir et s'apprête à me rejoindre. Certainement pour me faire la morale.

— T'as fait fort sur ce coup-là ! entends-je.

Qu'est-ce que je disais...

Raphaël.

En moins d'une seconde, mon frère est à côté de moi, avec une démarche ridicule digne d'un grand Caïd dans son débardeur blanc, la cigarette entre ses dents.

— T'as failli enfreindre trois règles en un temps record ! Je te savais rebelle, pas suicidaire.

Je le toise du regard et continue d'avancer. Mon frère n'a apparemment pas compris le concept de fuite. Si je viens de quitter mon appartement en trombe, mal habillé, les cheveux ébouriffés, c'est pour une foutue raison. J'ai besoin d'être seul.

— Tu perds la raison !

Il s'arrête et me retient par le bras pour que je fasse de même. Mais je me dégage et continue mon chemin.

— Je m'inquiète pour toi, mon frère ! Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, il y en a un qui perd patience en haut.

— Eh bien qu'il descende protéger ses humains lui-même.

Ma pique est furieuse. Vénéneuse.

Raphaël lève les yeux vers le ciel et secoue la tête pour assurer au Grand Patron que je n'en pense pas un traitre mot.

— J'peux savoir où tu vas ?

— Loin. Loin de toi, loin d'elle. Loin d'eux.

Notre dispute prend fin subitement lorsque nous marchons devant un pub chic où les tables en terrasse sont remplies d'Infernaux. Je m'arrête et me fige sur place. Le monologue de mon frère s'étouffe dans un gémissement peureux.

Assis, devant quelques seaux à champagne, ils sont tous là. Tous réunis au même endroit pour la première fois. Tous, sauf Léviathan et Bélial.

— Uriel ! s'esclaffe, Mammon en se relevant pour s'approcher de nous. Quel plaisir de te revoir. Un p'tit verre ? Nous parlions justement de toi.

Mes yeux se baladent derrière lui observant Asmodée et son carré rose ondulé. A côté, Azazel, silencieux et observateur, la moustache parfaitement rebiquée, son regard aussi noir que la nuit. Aucun de ses Motus ne l'accompagne ce soir. Et c'est une alerte maximale qui se met à fanfaronner dans ma tête. Belphégor est de la partie aussi. Ses cheveux lisses et blanc enveloppent son visage juvénile et épuisé qu'elle aime emprunter à chacun de ses passages sur terre.

Méphistophélès et Belzébuth se lèvent à leur tour et rejoignent Mammon, tout sourire.

— Je vois que vous avez fini par trouver un terrain d'entente. Quel beau portrait de famille nous avons là, reprends-je, ironique. N'est-ce pas touchant, Raf ?

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant