Brutale Rédemption

Chapitre 42: Me draguez-vous, Monsieur Simpsons ? Nastasia

            Lord Garett a tenu à s'assoir à côté de moi, ce soir. Égal à lui-même, il a décelé mon appréhension lorsque nous sommes arrivés avec Timothy. Il a su me mettre à l'aise en moins de quelques minutes.

De l'autre côté, un homme élégant à la peau brune, au charisme inégalable a tenu à faire ma connaissance.

Monsieur Simpsons.

Il s'excuse pour le précédent diner où il était absent. Il commence par me partager sa déception de ne pas avoir pu me rencontrer plus tôt. Il semblerait que le Lord lui ait beaucoup parlé de moi. C'est plutôt bon signe.

Lord Garett se mêle à notre conversation et me confie que Monsieur Simpsons est son plus vieil et fidèle ami. Ce qui ne manque pas de m'étonner. Le Lord doit avoir la soixantaine bien passée et le bel homme à côté de moi, la trentaine tout au plus. Mais l'amitié est comme l'amour, il n'a pas d'âge. Je suis bien tombée amoureuse d'un Ange de plus de je ne sais combien de centaines d'années.

Malgré l'absence de Yury, je me sens bien autour d'eux. Leur complicité est indéniable et leur bienveillance envers moi me rassure, elle parvient à dissiper la déception qui me rongeait de ne pas avoir mon Ange à mes côtés.

Après quelques verres – d'eau pétillante pour ma part – Monsieur Simpsons me propose de l'accompagner sur le toit terrasse du grand restaurant pour y fumer un cigare au clair de lune.

— Allez prendre l'air, Nastasia. Votre place sera bien gardée, me rassure le Lord, souriant.

J'accepte et emboite le pas au gentleman qui s'excuse en se levant de table. Le regard de Timothy se fait plus pesant. Il m'observe, sourit et me regarde accompagner l'associé de son père. Je ne parviens pas à décrocher mon regard du sien. Comme si je me sentais menacée. Un ressenti qui me pousse à rester sur mes gardes. Je sais que Yury ne le supporte pas. J'en ignore la raison mais quelque chose dans son regard, dans son aura tout entière me donne la chair de poule. Il a toujours été correcte avec moi, mais je connais les mauvais garçons. J'ai grandi avec. Je les ai côtoyés pendant longtemps. Et Timothy n'est pas un Ange.

— Vous lui plaisez beaucoup, commence Monsieur Simpsons tandis qu'on s'éloigne de notre table.

Je rougis et hoche la tête timidement.

— Croyez-moi, continue-t-il en me tenant la porte qui mène à la terrasse. Je sais reconnaitre quand un homme désire quelqu'un plus que tout.

Il me sourit et fait un grand geste avec son bras pour m'inviter à passer la première.

On se rapproche du rebord aux moulures Victoriennes et mon accompagnateur prend une grande inspiration comme si l'air à table lui avait manqué. Il allume enfin son cigare et crapote vers le ciel.

— C'est magnifique, m'extasié-je en m'accoudant sur le rebord.

— Pas autant que vous.

Il me regarde en coin, le sourire aux lèvres avant de se reconcentrer sur l'horizon et les lumières de Londres.

— Me draguez-vous Monsieur Simpsons ? m'amusé-je d'un ton léger.

Il rit et s'amuse de ma spontanéité.

— Toutes mes excuses, Nastasia si c'est ce que je vous ai laissé croire.

— C'est ce que j'ai cru, en effet, ris-je, un peu honteuse.

— Bien que vous ayez toutes les qualités pour faire fondre le cœur d'un homme, j'ai bien peur que le mien soit voué à ma carrière.

— Je vois. Un bourreau de travail ?

— En quelque sorte. J'ai toujours mis un point d'honneur à obtenir tout ce dont j'ai envie.

— La fortune, le pouvoir et les grands diners ennuyeux ?

— C'est exactement ça. Mais il n'y a que le temps qui nous permet d'atteindre nos buts.

Je tourne le dos à la ville et m'appuie contre le rebord. Je promène mes escarpins devant moi, m'évadant dans mes pensées. Des pensées qui m'emmènent loin de cet agréable gentleman. Près de mon Ange. Je me demande si sa soirée se passe aussi bien que la mienne ? Je sais dans quel genre de soirée le Lord l'envoie et j'aurais préféré partager cette vue imprenable avec lui.

— Et... vous y êtes presque ? reprends-je pour dissiper ma déception.

— Presque, oui. Lord Garett est une pièce maitresse dans le puzzle qu'est mon ascension. Il est fiable...

— Et humain, le coupé-je. C'est rare de nos jours.

Il acquiesce d'un signe de tête et pose son cigare dans un grand cendrier près de lui. Il imite ma position et plonge ses mains dans les poches de son beau costume gris.

— Et vous, Nastasia ? Que désirez-vous plus que tout ?

Je souris à l'écoute de cette question et la réponse me parait si évidente. Le visage de Yury me vient en tête. Je me repasse cet instant où seules nos respirations parlaient pour nous. Ce moment où j'ai compris que peu importe qui me porterait la moindre importance temps qu'il puisse rester près de moi jusqu'à la fin de mes jours.

Face à mon silence, il se place devant moi m'obligeant involontairement à adopter une posture plus droite, plus digne.

— Avec Barry, vous êtes au bon endroit, Nastasia. J'ai une vague idée de qui hante votre esprit, mais sachez qu'il suffit toujours de peu. Un beau garçon avec un tic affreux d'avoir sans cesse un cure dent dans la bouche, continue-t-il en riant.

Il pose ses mains sur les manches de ma robe et me sourit au point que mes doutes se dissipent.

— Le monde est immense et son pouvoir l'est tout autant. Tout est possible, Nastasia. Parfois, il suffit juste de savoir ce que l'on veut pour pouvoir l'obtenir.

Je souris. Ses paroles sont douces et se baladent dans ma tête comme une symphonie magique. Je sais qu'il pense que la personne en question est Timothy Garett et je ne le contredirais pas. Je ne peux me permettre de me lancer dans un monologue interminable pour lui raconter que tout ce qu'il pense est complètement faux. Je ne peux pas lui dire que mon cœur, mon âme et mon esprit appartiennent à un Ange. Je ne pourrais d'ailleurs jamais le dire à personne. Quel que soit le temps de notre mission, Yury finira par me laisser. Comme ils l'ont tous fait.

Il me tend son bras et m'invite à rejoindre les autres. Je me réarme d'un franc sourire et le suit jusqu'à la table.

Monsieur Simpsons est de la même trempe que Lord Garett. Un homme puissant prêt à faire la courte échelle à quiconque est assez motivé pour faire partie du jeu et accéder au bonheur. Je regrette que mon Ange n'ait pas pu le rencontrer. Il lui aurait plu autant qu'à moi.