C'est moins pénible que ce que je pensais mais ça l'est quand même. Nous sommes dans le même magasin depuis presque deux heures et elle n'a toujours pas choisi sa foutue robe pour le diner de ce soir.
— T'en as encore pour longtemps ? grondé-je.
Je frotte mon visage, assis sur l'un des fauteuils face aux cabines d'essayage. Je suis censé l'aider à trouver sa tenue, mais pour ça, il faudrait qu'elle parvienne à l'enfiler et surtout, qu'elle sorte enfin de cette cabine.
— La fermeture éclair est coincée ! s'agace-t-elle à travers le rideau bordeau.
Non loin de moi, un groupe de quatre humaines gloussent et me regardent en coin.
— Dans ce cas, trouve un moyen et vite, que je sorte d'ici, finis-je plus bas.
Une jolie brune, la plus téméraire semble-t-il, s'écarte du groupe et se déhanche dans une exagération écœurante dans ma direction. Elle se plante devant moi, son ventre au niveau de mon visage.
— Il faut lire entre les lignes, dit-elle en se penchant vers moi.
Je ne bouge pas et me contente de lever les yeux vers elle.
— Le coup de la fermeture éclair est un nom de code pour une mission très spéciale.
Son ton est désagréablement sensuel. Nul doute qu'elle est une disciple d'Asmodée, l'Infernal de la Luxure. Elle me répugne.
— Ta petite copine t'appelle...
J'esquisse un faux sourire, poli.
— Ce n'est pas ma petite amie, réponds-je d'un ton plat.
— Excellente nouvelle...
Asmodée n'a pas lésiné sur les moyens. Cette jeune femme est pleine d'assurance. Elle se mord la lèvre et pose sa main sur ma cuisse, éhontée. Mais la pauvre jeune femme jette un bref coup d'œil sur ce qui aurait dû trahir une quelconque excitation. Sa main est presque sur le haut de ma jambe et pourtant pas le moindre mouvement. Pas même une infime réaction. Je souris, éhonté à mon tour. Je me relève et colle mon corps au sien.
— Je t'attends dehors, Volha. L'ambiance devient trop collante par ici.
Nastasia gronde et jure que je ne suis qu'un être infâme et égoïste. Je garde mon sourire, satisfait de voir l'assurance de la jolie brune fondre comme neige au soleil. Je lui fais un petit clin d'œil avant de partir et de la laisser seule, plantée devant ses mauvaises copines qui n'hésitent pas à se moquer.
Dehors, je prends l'air et souffle en faisant le piquet, les mains dans les poches. Une dizaine de minutes plus tard, mon humaine de compagnie sort enfin du magasin, le visage épuisé, sa crinière blonde, ébouriffée.
— Sérieusement ? m'agacé-je en voyant ses mains vides.
— Elles sont impossibles à enfiler ! Les nanas qui portent ce genre de tenues ont d'autres nanas pour les habiller.
Elle a l'air tout aussi contrariée que moi. Elle doit être un tantinet, nerveuse. Il faut dire que je lui mets une sacrée pression depuis ce matin. Et j'ai bien l'intention de continuer. Elle doit faire bonne impression. C'est vital pour la mission. Pour mon bien être personnel.
— Le diner est dans trois heures, grondé-je.
— Oh tu dois être l'Ange de la perspicacité ! Sans toi ou cette gigantesque horloge qui règne sur Londres, je ne l'aurais jamais deviné !
— Cette « horloge » c'est Big Ben, Einstein.
— Sans déconner ?
Un sourire se dessine sur mon visage, mais de quelques millimètres seulement. C'est juste son intonation et ses sarcasmes qui m'amusent. Un peu.
Nous continuons de marcher à la recherche d'une autre boutique et mes yeux n'en font qu'à leur tête. Ils se posent sur elle par intermittence. Curieux. Amusés. Troublés.
— Quoi ? me surprend-elle.
— Comment ça, quoi ? rétorqué-je en regardant face à moi.
— Pourquoi tu me fixes ?
Je souffle et lève les yeux. Dans toute mon existence de Céleste, il ne fait plus aucun doute que c'est Nastasia Volha qui aura ma peau. Elle est insupportable.
— T'es parano.
Elle s'esclaffe et porte la main à sa bouche, gênée d'avoir ri si fort. J'ai trouvé ça plutôt drôle, moi.
— Il ne va pas falloir que je rie comme ça pendant le diner, se reprend-elle.
Je ne garde que mon sourire en coin en guise de réponse.
— En même temps, j'ai de quoi être parano, tu ne crois pas ?
J'arque les sourcils.
— J'ai frôlé la mort, deux fois. Perdu une dizaine de jobs. J'ai été kidnappé par un Ange et suivi par un rouquin et une brunette terriblement séduisante.
— ça se tient, dis-je, plus doux.
Mais je me renfrogne à la lueur que je voie briller dans ses yeux. J'ai oublié qui est vraiment Nastasia Volha. Une âme en peine à la recherche d'un sauveur. D'un être à aimer qui l'aimera en retour. Elle va devoir se rafraichir la mémoire. Je ne suis avec qu'elle que pour ma mission. Sa présence à elle seule est un supplice. Alors ma mission veut qu'elle trouve son bonheur et ce qui lui manque depuis toujours, soit, mais j'ai choisi Lord Garett pour ça. Elle va rencontrer du beau monde, peut-être même le grand amour de sa vie. Après tout, Nastasia est une très belle femme. Beaucoup trop spontanée avec trop de cicatrices invisibles, mais elle sait être drôle et à la fois forte et fragile...
Il lui trouvera ce qu'il lui faut. Il faut qu'il le trouve vite. Je ne veux pas m'éterniser sur cette mission. Je dois me débarrasser d'elle avant qu'elle ne redevienne cette groupie collante.
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Brutale Rédemption
ParanormalYury est un jeune homme, élégant, chic et populaire sur les réseaux, à son insu, évidemment. Il y a les pour...et les contre. Sous ses apparences de bel étalon en costume, Yury est en réalité un Céleste qui répond au nom d'Uriel. Comme sa mission l'...