Chapitre 4: Ce n'est pas mon cas. Nastasia

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      Allongée sur mon lit, je fixe le plafond sans pouvoir défaire le sourire de mes lèvres. Je l'ai rencontré, « le bâtard des réseaux »... Je suis d'ailleurs toujours autant surprise par tous les autres, tous ces gens qui postent à son sujet, qui le filment à son insu. La majeure partie se contente de critiquer sa façon de faire, mais personne ne se demande comment cela se fait-il qu'il parvienne toujours à être là au bon moment, au bon endroit. Il sauve des vies sans arrêt, peu importe la manière dont il s'y prend, ce que les gens retiennent c'est qu'il n'est qu'un putain de prétentieux agressif. Posez-vous les bonnes questions, bon dieu de merde ! Comment ça se fait qu'il anticipe tous ses accidents ? Tous ces potentiels meurtriers ?

Je me redresse et m'assois sur mon lit. Les yeux rivés vers la fenêtre, je croise les jambes en tailleur et enroule le tissu de mon drap autour de mes doigts.

Quand il m'a sorti de cette foutue ruelle, il a pris la route à l'envers. Il n'est pas tombé sur nous par hasard. Je n'étais pas sur son chemin.

Je me laisse tomber en arrière, le cœur battant. C'est un trou du cul de première, ça va sans dire, mais il n'a pas sourcillé une seule seconde face à Grand Daddy et ça, ça a le mérite de me faire vibrer.

Il ne s'est pas battu. Il s'est contenté d'esquiver les coups. Ce qui a rendu mon sauvetage extrêmement long. Mais il m'a sauvé.

Il ma dédaigné la minute d'après, mais il m'a sauvé. Il a risqué sa vie pour la mienne.

Je me tourne sur le côté, face au mur moisi de mon neuf mètre carré. Je ne cesse de revoir son regard emplit de dégoût. Je me repasse ce moment, en boucle dans ma tête, où il s'impatiente de mettre fin à nos échanges. Je souris, seule, mélancolique. C'est toute l'histoire de ma chienne de vie.

J'essaie de fermer les yeux et de ne plus penser. Mais son visage impeccablement rasé est incrusté dans mon esprit. Comme ses yeux noirs. Sa mèche brune rebelle qui retombait sensuellement sur son front.

Je plonge ma tête dans l'oreiller et hurle de rage d'être aussi misérable. Je me retourne sur le dos et songe sérieusement à suivre une thérapie pour pallier cette dépendance affective qui me pourrit la vie.

Mes yeux parviennent enfin à se fermer avant que je ne sursaute et me redresse, les cheveux ébouriffés.

Et si grand Daddy le recherchait pour lui faire payer cet affront ?

Mon proprio n'est pas du style à laisser passer ce genre de chose. Il trempe dans les business les plus sales de toute l'Angleterre et je ne donne pas cher de cet Apollon si jamais il le retrouve.

Je ne peux pas rester sans rien faire.

S'il se trouve dans ce merdier, c'est uniquement par ma faute.

Je vais te retrouver mon bel Apollon. Je vais te retrouver et te dire tout ce qu'il faut que tu saches à propos de cette brute épaisse pour que tu puisses te protéger.

Mais retrouver un inconnu à Londres n'est pas une mince affaire. Après une courte nuit de sommeil entremêlée de remises en question et de séquences dépressives, j'erre dans les rues depuis presque trois heures.

Et je n'ai fait que les coins les plus huppés.

Il n'y a que là que je pourrais le trouver. Ça ne fait aucun doute. Sa posture, ses habits, sa façon de parler, tout chez lui sent le fric à plein nez. Il fait partie de la haute, j'en suis certaine.

Je finis par m'assoir sur un banc, fatiguée de tourner en rond et de le chercher en vain. J'ai faim. J'ai soif. J'ai chaud.

Je pourrais retirer ma veste et laisser l'air frais Londonien parcourir ma peau mais je ne suis toujours pas prête à montrer mes bras. Et si jamais je tombais sur lui ? S'il me voyait au moment où je suis bras nus ? Hors de question. Je vais crever de chaud, un point c'est tout.

Je balaie les horizons du regard. Je me dis qu'avec un peu de chance, je vais marcher et tomber sur lui par inadvertance...mais non.

Cependant, mon sang se glace et se fige dans mes veines. A l'autre bout de la route, sur le trottoir d'en face, cette magnifique jeune femme aux cheveux châtains, au maquillage maitrisé à la perfection, me surveille sans retenue. Elle est adossée contre la vitrine d'un magasin de luxe et n'a d'yeux que pour moi. Ce n'est pas la première fois que je la croise ces derniers temps. Et elle me fiche toujours les jetons à me fixer comme une sociopathe atrocement belle.

Traversée par un mauvais pressentiment, je rebrousse chemin et m'éloigne le plus rapidement possible. Je regarde derrière-moi par de brefs mouvements de tête et la bile me monte de voir qu'elle me regarde toujours.

C'est quoi ce bordel ?

Malencontreusement, je fonce sur quelqu'un que je n'ai pas vu arriver. Ma culpabilité surhumaine et mon manque d'amour propre me forcent à me plier en deux pour m'excuser. Je suis gênée, je bégaie et espère profondément que l'inconnu ne m'en tienne pas rigueur...jusqu'à ce que mes yeux se posent sur lui.

— Vous ? lâché-je, apeurée.

— On se connait ?

J'esquisse un petit sourire forcé et prends la fuite à la hâte.

Une fois à quelques mètres, je me retourne pour voir s'il est toujours là et...au bon dieu, il est toujours là. Non seulement il est là, mais il est tourné vers moi pendant que les gens le contournent pour continuer leur route.

Londres n'est pas aussi sûr qu'on veut nous le faire croire. Ces deux psychopathes m'observent depuis des jours et l'argent n'a rien à voir dans cette histoire. J'en dois à beaucoup de monde, oui, mais pas à des gens comme eux. Flippants, classes et sophistiqués. Ils n'ont rien à voir avec ceux qui travaillent pour Grand Daddy.

Je percute une nouvelle fois un inconnu et sursaute comme une sauterelle.

— Bon dieu de merde ! dis-je trop fort en fermant les yeux.

— Tu blasphèmes.

Cette voix.

Je la reconnaitrais entre toutes.

J'ouvre mes yeux lentement et rougis de voir le trou du cul Apollonien en face de moi.

— Je te cherchais ! reprends-je avec trop d'entrain.

— Ce n'est pas mon cas.

Faudrait qu'il s'étouffe avec sa propre langue juste pour qu'il redescende sur terre.

Je dis ça mais je continue de lui courir après comme une jouvencelle en chaleur.

— Je tenais vraiment à te remercier pour hier.

— Eh bien, dis juste merci.

— Dis comme ça on dirait que tu essaies de te défaire d'une sociopathe, ricané-je honteusement.

Son regard noir me fait déglutir.

Bien sûr que c'est comme ça qu'il me voie.

— Je voulais juste te mettre en garde contre l'ours d'hier. Tu vois, te filer quelques petits tuyaux pour que tu puisses te défendre au cas où il voudrait s'en prendre à toi.

Je mets beaucoup trop d'entrain dans mon argumentaire. Je vais même jusqu'à taper son bras avec le mien.

Bravo, Nastasia. De mieux en mieux.

Ses yeux s'arriment aux miens. Ils en disent tellement long que ça en est navrant. Je suis si pathétique. Il me regarde comme tous ceux qui ont croisé ma route. Avec mépris et lassitude.

— Je saurais y faire face.

Je hoche la tête et le laisse partir, la boule au ventre. 

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant