Chapitre 53: Je dois passer un coup de fil. Nastasia

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            Recroquevillée en boule dans mon lit, je ne peux rien faire d'autre que pleurer. Je m'étonne même d'avoir encore des larmes à faire couler. Ça fait à peine deux jours que Yury est rentré et je suis déjà dans un état pitoyable. Deux putains de jours où il n'a pas daigné frapper à ma porte pour me dire qu'il avait déconner à bloc...Qu'il regrettait de s'être comporter de la sorte.

Ses super-pouvoirs d'Ange à la con lui font surement entendre mes reniflement lamentables et disgracieux. C'est sans doute ce qui le rassure quant au fait que je sois toujours en vie.

Je prends conscience à quel point la douleur peut noircir les cœurs. A cet instant précis, j'en veux au monde entier.

J'ai passé ces dernières quarante-huit heures à blasphémer, insulter le ciel et tous ses occupants. J'ai aussi souhaité le malheur de quelqu'un...désiré si fort qu'un inconnu soit choisi par la mort pour obliger Yury à quitter ce foutu appartement et son rôle de chien de garde. J'aurai pu m'enfuir. Partir loin de lui. Loin de Londres.

Mais la colère ne désemplit pas la peine. Mon cœur me fait toujours aussi mal. Il me tire. Il se disloque. J'ai envie de hurler. Je veux les punir pour tout le mal qu'ils m'ont fait. Pourquoi ? Pourquoi s'acharner sur une seule personne ? Je vous emmerde, tous ! J'emmerde cette foutue mission.

Il n'y a aucune raison que je continue à subir tout ça pour un monde qui se plait à se détruire. Je ne trouve aucune raison de vouloir me sacrifier pour eux. Aucune âme ne mérite d'être sauvée. Ni la leur, ni la mienne. Nous avons tous ces putains de cicatrices invisibles qui nous transforme en monstre. Personne n'y échappe. La chute reste la même pour tout le monde. On finit par se détruire en emportant tout ceux qui nous entoure.

J'essuie mes joues d'un revers de la main et me redresse sur mon lit. Je ne peux plus continuer comme ça. Agir comme si je n'avais pas le choix. Ma vie m'appartient.

Toujours en pyjama, dans mon affreux short trop large et mon débardeur délavé, je me relève et enfile ma veste à carreaux rouge et noir. Je regarde par la fenêtre et l'ouvre pour prendre une grande inspiration. Je regarde en bas. Je regarde sur les côtés.

Mon cœur palpite plus vite, plus fort. Il essaie de me convaincre que je suis en train de perdre la tête mais je ne veux plus l'écouter. Ses conseils ne m'ont mené que dans un mur de briques forçant mon âme à se déchirer. Ce sera la première décision que je vais prendre pour ma nouvelle vie. Le faire taire à jamais.

Je secoue les épaules en regardant toujours vers le bas.

Deux étages.

Deux étages me séparent de ma liberté.

Avec un peu d'agilité et une bonne dose de chance, je devrais parvenir à me hisser jusqu'en bas.

Je prends mon courage à deux mains et profite de l'aube pour que mon escalade ne se fasse pas remarquée. Londres est encore endormi à cette heure-ci. Seuls quelques courageux déambulent sur les trottoirs prêts à aller travailler. Pour d'autres, c'est la fin d'une nuit agitée ou romantique. Ils sont peu nombreux. Si je m'y prends bien, en moins de dix minutes mes pieds fouleront le bitume et je pourrais courir loin de cet appartement. Loin de ce bourreau qui s'amuse à piétiner mon cœur.

Les mains tremblantes, les jambes qui flageolent, je longe le petit rebord avec une concentration certaine. Mon dos se colle contre les briques et j'essaie de convaincre mon cerveau de ne pas regarder en bas. Je parviens jusqu'à la gouttière, je l'enveloppe et pose mes pieds sur les raccords. J'inspire. Mon cœur s'emballe. Il bat si fort que j'ai peur qu'il s'échappe de ma poitrine. Et dans un réflexe aussi stupide que dangereux, je penche ma tête vers le bas avant de m'agripper de toutes mes forces à la gouttière. Bon dieu de merde, il ne me reste que deux choix. Réussir ou mourir.

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant