Chapitre 10: Cet homme ne devrait plus être un problème. Nastasia

9 1 0
                                    

            Je suis assise sur la planche de mon bureau, devant la fenêtre. A côté de moi, Dave, l'homme de main de Grand Daddy et accessoirement dealer d'héroïne et meilleur ami. Du moins, il est le seul à rester plus d'une heure en ma compagnie et faire semblant de s'intéresser à ce que je dis.

— Il va me laisser tranquille ? demandé-je, les yeux toujours vers l'extérieur.

— Je pense qu'il ne va pas falloir trop tarder à lui rembourser ce que tu lui dois. Même si ton petit copain l'a calmé un peu.

— Mon petit copain, lâché-je dans un petit rire, étouffé.

— Petit copain ou non, il y a bien un homme qui empêche Grand Daddy de passer ses nerfs sur toi.

— Eh bien, dis à Grand Daddy que « cet homme » ne devrait plus être un problème.

— J'pense pas que ce soit une bonne idée de lui dire ça, rit Dave avant de passer un coup de langue sur sa feuille à rouler. C'était pas ton petit copain ?

— Non. Un simple inconnu qui était là au bon moment...

— Ouais, bah j'connais pas beaucoup d'inconnus qui se frotteraient à Grand Daddy sans une bonne raison.

Il allume ce qu'il appelle sa cigarette magique et me la propose. Je refuse d'un geste de la tête et replonge mes yeux vers l'horizon pendant qu'il louche sur son joint comme s'il se parlait à lui-même.

— T'es balaise comme nana.

— Tu parles...je suis tellement balaise que je vis dans un appartement insalubre et que je n'arrive pas un gardé un foutu travail.

— J'ai dit que t'étais balaise, pas parfaite, dit-il en riant.

Il se relève pour partir. Mon cœur se pince de savoir qu'il reste encore toute la soirée à passer et que je vais la passer seule, comme d'habitude.

Dave ne m'a jamais proposé un diner, une soirée pizza ou tout autre chose. Non. Ses visites sont rythmées par ses relances, qu'il fait avec tact, il faut l'avouer. Je ne sais pas vraiment ce que je suis pour lui. Je ne suis pas son style, ça c'est indéniable. Il préfère de loin les basketteurs à la peau brune. Mais depuis cinq ans, j'espérais être bien plus qu'une simple cliente à ses yeux.

— J'suis content que tu t'en sois sortie, reprend-il en posant sa main sur la poignée de la porte. Pour le loyer, il va falloir que tu le calmes avec des petites sommes régulières. Pour ma marchandise et le téléphone, prends le temps qu'il te faudra.

J'esquisse un sourire et baisse la tête pendant que la porte se referme.

Le silence qui suit me comprime la poitrine. Ma gorge se noue. Ma vision se brouille. Je ne suis pas une vraie optimiste. Je ne suis pas celle que rien n'atteint comme j'aime à le faire croire. Tout me touche. Tout me fait mal. Tout me détruit. Je ne demande pas la richesse. Je ne recherche pas non plus le pouvoir. Je veux juste compter pour quelqu'un. Être considérée comme une personne importante dans la vie d'une autre.

Mon téléphone vibre et me fait sursauter. Je reconnais le numéro de la société de logement social. Pavel a encore fait des siennes. Je raccroche sans même prendre la peine de demander ce qu'ils me veulent. Connaissant mon père, ça peut être un feu qu'il a mis dans l'appartement alors qu'il était saoul ou quelques loyers de retards.

Ne vous fatiguez pas, les gars. Je n'arrive déjà pas à payer les miens.

J'enfile mes écouteurs et m'allonge sur mon bureau, les yeux toujours sur Londres.

Même si je ne veux plus y penser, le visage de cet enfoiré de brun ne cesse de défiler dans ma tête.

Deux fois ? Deux putains de fois. Va te faire foutre avec ton hasard. 

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant