Chapitre 50: Vous disiez ne pas avoir de bonnes nouvelles. Lord Garett

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— Tiens-toi bien, cette fois, je te prie, lancé-je à mon fils avant de sortir de la voiture.

Timothy sort de son côté et fait gigoter son écœurant cure dent en souriant comme un enfant trop gâté.

— Pas la peine, il m'adore déjà.

Je secoue la tête, las des frasques de mon garçon. J'ignore si c'est ma faute ou s'il est tout simplement comme ça. Son assurance et son dédain finiront par lui porter préjudice tôt ou tard, et je préfère que ce soit le plus tard possible.

Je sonne à l'interphone du grand portail noir, au fin fond de la campagne anglaise. Il n'y a ni habitation ni bâtiment à plus d'une dizaine de kilomètres à la ronde. Ce n'est pas la première fois que je viens lui rendre visite chez lui, mais cela n'empêche pas mes paumes d'être moites.

— Lord Barry Garett, m'annoncé-je devant l'appareil.

— Un instant.

Le portail s'ouvre sur la gigantesque allée bétonnée aux abords fleuris et à l'herbe impeccablement tondue. Mon fils observe chacun des hommes, postés tous les deux mètres, droits, le regard dans le vide.

— Pourquoi ils ressemblent à des moines tibétains ?

— Ce sont ses gardes et la façon dont il veut qu'ils s'habillent ne regarde que lui, alors arrête de les dévisager et continue d'avancer. On dirait un enfant de dix ans...soufflé-je.

— Il n'y a rien d'effrayant à porter des robes, reprend mon fils, moqueur.

— C'est du sérieux, Tim. Ne gâche pas tout, s'il te plait. Tu restes discret et surtout...ferme-là, terminé-je en sonnant à la grande porte.

— Monsieur Simpsons est prêt à vous recevoir.

Je hoche la tête et emboite le pas du domestique, mon fils sur mes talons.

A l'intérieur, Timothy balade sa tête dans tous les sens, subjugué par l'élégance morbide et les peintures sataniques qui ornent les murs.

— Celle-ci est ma préférée, s'amuse-t-il.

Mon visage se crispe de voir une peinture représentant un homme qui dévore la chair d'une femme agonisante. Même si je sais que mes choix ont été plus que douteux, je crains bien plus de ne jamais avoir su mesurer la véritable noirceur de son cœur.

En fait je sais que tout est ma faute.

— C'est ainsi qu'adviendra la fin du monde, intervient notre hôte en haut des escaliers.

Il reboutonne sa veste et descend marche par marche avec une élégance aussi fine que machiavélique. Bélial est à ses côtés et se contente de garder le silence.

— Contrairement à ce que tout le monde se plait à croire, ce n'est aucun des deux Grands Maitres qui choisira quand et comment se déroulera l'apocalypse. Bon nombre de récits et de mythes circulent à ce propos mais j'ai le regret de vous dire que cette fin n'aura rien de spectaculaire ni de magique.

Il est désormais face à nous, nous dominant de son mètre quatre-vingt dix, les yeux sombres, un sourire de complaisance.

— Un avenir sombre et déchirant vous attend, mes amis. Les hommes n'ont ni besoin des cieux ni des enfers pour être punis. Vous vous mènerez tout seul à votre perte.

— Léviathan, Bélial, les salué-je dans une délicate révérence à la fin de son discours.

Du coin des yeux, je somme à mon fils de m'imiter. C'est à peine s'il se baisse et se redresse aussitôt pour retirer son bout de bois immonde de la bouche.

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant