Chapitre 17: C'est la première fois qu'il vient, accompagné. Nastasia

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            La boule qui s'est formée dans ma gorge ne me quitte plus. J'ai cédé et me retrouve de nouveau sur son canapé blanc, dans son appartement blanc avec ses meubles blancs. Il se donne à fond dans son rôle.

J'ai aussi arrêté de renifler et de pleurer comme la pauvre fille que je suis. Quoi ? Il sait comment s'appelle mes parents et quand je suis née ? La belle affaire. Tous les gens pas nets de l'Angleterre connaissent de près ou de loin ma misérable existence. Je lui interdis juste d'en parler. Je ne veux plus entendre parler d'eux. Jamais.

Je le regarde alors qu'il continue de déblatérer ses inepties à la con. Il ne donne pas vraiment de détail. Il n'a peut-être pas encore peaufiné son scénario. Mais tout commence à devenir plus clair.

C'est un malade obsessionnel. Je recolle tous les morceaux, j'établis les liens. Ça ne fait aucun doute. Il a voulu me faire croire à une coïncidence quand il m'a sauvé la première fois. Il a continué de jouer sur le hasard quand il l'a fait une seconde fois. Il est venu sur mon lieu de travail. Qui paierait aussi cher pour regarder un film sur des lits suspendus dans les airs ? Cette idée est à chier. Il me suivait. « Le bâtard des réseaux » m'a dans le viseur depuis un moment. Je ne serai pas non plus étonnée de savoir qu'il est lié avec le rouquin flippant et la jolie brune qui me surveillent depuis des lustres.

Mais pourquoi faire tout ça ? Ça n'a aucun sens. Personne ne s'intéresse vraiment à la pathétique Nastasia Volha.

Et quoi ? C'est impensable pour mon cerveau d'accepter l'hypothèse que je pourrais lui plaire ? Bordel, c'est quand même plus plausible que son histoire d'Anges et Démons.

— Tu m'écoutes ?

— Hein ? Oui, top, vraiment, réponds-je en essayant de lui faire croire que j'étais subjuguée par son récit.

Il se laisse tomber contre le dossier et se masse les tempes.

— On va aller diner. Après on passera chez toi, récupérer quelques affaires.

Il se relève et enfile sa veste de costume, pressé.

Mes yeux s'agrandissent et mon corps se relève dans une lenteur incomparable. Est-ce que c'est un subterfuge pour m'emmener dans une ruelle sombre et m'éviscérer ? Je tourne ma tête en direction de la porte fenêtre.

— Mais il commence à faire nuit, bafouillé-je, paniquée.

— C'est pour ça que j'ai dit « diner » et non « petit-déjeuner ».

Je m'exécute et le suis jusque dans les rues, heureusement, encore peuplée de la foule londonienne. Je marche à quelques pas derrière lui et surveille le moindre enfoncement qui mènerait à un coupe-jarret. Je suis en train de suivre un homme dont j'ignore encore l'identité et qui se prend pour un Ange. Je ne suis qu'un putain de stéréotype de roman mal ficelé. Je me répugne.

Je suis vraiment tombée aussi bas ?

Quoi qu'il en soit le beau brun complètement taré semble bien décidé à ne pas me laisser partir. Je vais devoir la jouer fine et bien réfléchir à un futur plan d'évasion avant que je ne termine comme toutes les femmes de Barbe-Bleue. Je vais commencer par rester éveillée toute la nuit, prête à l'émasculer s'il tente quoi que ce soit.

A table, il ne daigne pas consulter le menu et passe commande pour nous deux.

— On dirait que tu viens souvent, souligné-je d'une petite voix en regardant le serveur d'un air effrayé.

— Oui, mais c'est la première fois qu'il vient accompagner. Et d'une si belle femme, chantonne l'Italien.

Il le fait exprès ? Il n'a pas vu mes yeux l'appeler à l'aide ? Il n'a pas entendu ma voix fluette ?

Brutale RédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant