Brutale Rédemption

Chapitre 40: Reste vigilante, ce soir. Nastasia

            J'entends les clés dans la serrure. Yury est rentré mais ses yeux se sont durcis. Mon cœur rétrécit. Je n'ai pu profiter de sa bonne humeur que quelques jours. Tout est fini. Chasser le naturel, il revient au galop...

— Tout va bien ? tenté-je en me redressant sur le canapé.

Il me répond par un petit sourire forcé et s'avance vers le bar de la cuisine. Il s'immobilise sur le paquet bleu marine au ruban argenté.

J'essaie de garder mon calme et me rapproche de lui, tout sourire.

— Timothy m'a fait livrer une robe pour ce soir !

Mon excitation s'amenuise de voir ses sourcils se froncer et ses narines s'écarter. Il finit enfin par me regarder, mais ses yeux sont durs, furieux. Je me tais aussitôt. On dirait qu'il vient d'apprendre que j'ai conclu un pacte avec le diable.

Il se dirige vers la desserte et se serre un verre.

Ok. Je vois. Mon Ange est contrarié. Très contrarié.

— T'as passé une mauvaise journée ? insisté-je en m'approchant.

— Je ne pourrais pas t'accompagner ce soir.

— Oh...

Je ne parviens pas à cacher ma déception. De son côté, ma mine déconfite semble lui redonner du baume au cœur. Il finit son verre et se tourne vers moi, le sourire plus naturel.

— Mais tu vas rallier tous ces vieux bourgeois à la cause de Lord Garett, n'est-ce pas ?

— La cause ? reprends-je, moqueuse. Le Lord est un gentleman agréable et sympathique mais il n'est pas question de cause, juste d'argent.

Il rit, amusé par ma réflexion. Il repose son verre sans s'en servir un deuxième. Il semble plus détendu tout à coup. Il me fixe. Ses yeux ont recouvré cette lueur à laquelle j'ai le droit depuis quelques jours et mon cœur bat à tout rompre. Je soupçonne même qu'il puisse l'entendre tant nous sommes proches.

— Pourquoi tu ne viens pas ? insisté-je dans un chuchotement, déçu.

— Je dois assister à un autre genre de soirée.

Je baisse la tête.

Son index vient aussitôt me relever le menton pendant que mon cœur rate un battement comme s'il venait de se prendre « les pieds » dans un tapis. Son regard se fige sur mes lèvres. Le temps s'arrête. Plus aucun de nous ne parle. Seules nos respirations résonnent. Son doigt glisse vers ma joue et le dos de sa main finit par me caresser pendant que ses yeux dévorent le moindre détail de mon visage. Ma poitrine monte et descend au rythme de ma respiration effrénée. Sa main vient caresser mes cheveux et longe mon cou jusqu'à défaire la manche de ma chemise à carreaux. Il la fait glisser le long de mon bras. Lentement. Mon corps frissonne. Il se raidit. Ses yeux sont rivés sur les cicatrices qui le parsèment.

Je déglutis.

Mes jambes tremblent et menacent de céder sous le poids de la honte.

Mais alors que je crains cet instant où il me fera payer mes erreurs passées, il soulève mon bras et baisse sa tête pour y déposer ses lèvres chaudes et délicates. Il recouvre chaque point marqué d'un baiser tendre, presque guérisseur.

Il fait un pas rétrécissant l'espace entre nos deux corps.

Je me laisse faire. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. Rien de tout ça n'est réel. Yury ne peut pas être face à moi, le regard brûlant du même désir qui me consume.

— Reste vigilante, ce soir. Les Infernaux ne rateront aucune occasion de s'approcher de toi.

Je hoche la tête toujours hypnotisée par ce moment unique, divin.

Il se recule comme si tout ce qui venait de se passer n'avait jamais vraiment eu lieu. Je me racle la gorge et tente de recouvrer l'esprit.

Il part vaquer à ses occupations tandis que je pars m'enfermer dans la salle de bain pour prendre une douche froide.