Partie 5

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Ce genre de fille c'est pire que la peste, plus le temps passe, plus j'ai l'impression qu'elles se multiplient. Ça vous choque ? Moi ça fait bien longtemps que ça m'choque plus. Ici le haram est banalisé, j'dirais même qu'il règne dans nos quartiers. Bien que vous croyez que les cités c'est un bordel, en réalité, c'est hiérarchisé. On y trouve tout, du bas jusqu'au haut de l'échelle. Tout en bas y a les chiennes, celles qui servent de divertissement aux futurs taulards... Elles tournent dans les caves jusqu'à pas d'heure. En suite, y a les clients, malheureusement y a toujours des shlags pour acheter l'poison tant convoité. Ils s'défoncent la gueule, le pire c'est que ça les fait kiffé, on les retrouvera surement cannés chez eux, suite à une overdose. Triste réalité. Pour finir y a les "dealers" ceux qui vendent la mort à des cas sociales. Ils font de l'argent sale avec l'espoir de quitter la rue, celle qui manie leurs faits et gestes sans qu'ils soient vraiment conscients d'ça. Ils tombent dans les vices d'la rue, puis pour eux c'est difficile d'en sortir, ils en veulent toujours plus, jusqu'au jour où ils s'font coffrés. Au final, ils pensent être puissants, mais au contraire, ils sont encore plus vulnérables que leurs clients. Pas b'soin de préciser que dans ce milieu c'est gradé, et que t'augmente dans le milieu selon ton culot, ta détermination et ton absence de crainte.

[...]

J'dépose les baguettes dans la cuisine. Je m'assoies sur le canapé, limite étalée j'dirais. J'attrape la télécommande puis j'allume la télé. Y a rien à faire alors autant essayer d'faire passer le temps. J'zappe les chaînes, les programmes sont pourris. J'éteint et j'vais dans ma chambre. Ces quatre murs m'ont vu grandir, en vrai ils m'connaissent surement mieux que mes frères. J'ai grandi entre quatre murs, tandis qu'eux ont grandi sous le regard de la rue. Cela, malgré les coups que mon père leur a mis pour les remettre dans le droit chemin. Ils ont choisi, cette vie là, mais est-ce-qu'ils vont l'assumer ? Cette question j'me demande si certains avant d'se lancer y ont pensé. Quand tu t'engages dans ce domaine c'est à long terme... Parfois jusqu'à prendre du ferme.

22h47 - Je me met à la fenêtre, ce soir c'est plutôt calme. L'air doux et chaud a surement apaisé l'humeur turbulente d'nos banlieusards, moi j'vous mentirais si j'vous disais que ça m'donne pas le cafard, j'ai une forte impression que quelque chose se prépare. Y a pas un chat dehors, j'trouve ça bizarre. J'prend ma clé, je m'apprête à sortir, j'profite de l'absence de mes frères pour m'éclipser, j'sais que j'ai quelques heures devant moi avant qu'ils fassent leur entrée. Non j'sors pas dehors, j'vais pas en te-boî, ce soir j'grimpe juste jusqu'au toit. C'est vrai que j'suis un peu tapette sur les bords, mais j'prends quand même des risques, sinon ma vie serait trop monotone. J'sors quand même l'estomac nouée, au cas où mon plan échouerai et que l'un de mes frères entre avant l'heure à laquelle j'ai calculé leur arrivée. Mais bon c'est un secret, si mes frères l'apprennent, j'me fais balafré. Mes parents dorment j'referme la porte doucement pour ne pas les réveiller.

Une dizaine de minutes plus tard me voilà sur le toit, j'contemple la cité du haut d'ce gratte-ciel. J'regarde autour de moi, j'suis partagée entre amour et haine. Ce quartier, j'le connais depuis que j'suis née, j'l'aime parce qu'en réalité y a bien des choses qu'il m'a apporté. De l'autre côté, je le haie parce qu'ils m'en a aussi retiré, il a aussi fait plonger mes frères, c'est pour ça qu'le tié-quar et moi aujourd'hui on est en guerre... Pas un seul jour passe sans que je prie pour eux, pour que Dieu les remette dans le droit chemin. Quand on a la foi, on y croit.

Ce soir, une fois de plus, j'étouffe, j'ai l'impression d'être au bord du gouffre. J'manque d'air, à ma place certains prendrait un verre... Mais moi j'suis pas comme eux. J'choisis pas la facilité, j'veux pas d'une vie qui n'est en réalité qu'illusion. Je préfère affronter ces méfaits, les combattre, et vivre tout simplement. J'veux pas m'cacher sous des montagnes de regrets, boire à plus m'en rappeler, fumer jusqu'à noircir mes poumons... Moi c'que j'veux c'est que ce putain de vide soit comblé, faudrait déjà que j'sache ce qui me manque dans ma vie, parce que finalement j'me connais pas moi-même. Dans ma tête c'est le bordel, j'arrive plus à m'y retrouver.

Je regardais la vue que m'offrait l'altitude à laquelle j'étais, j'voyais les lumières des tours allumées. Cette vue que certains trouveraient écœurante, moi je la trouvait charmante. J'méditais, sur ce que serait ma vie si j'étais comme ci, ou comme ça. En vrai j'crois que j'ai le mal de vivre, toujours à vouloir plus que ce qu'on a, mais qu'est-ce-que vous voulez l'être humain est de nature faible et mauvais.

23h51 - Putain, j'ai pas vu le temps passé ! J'vais me faire défoncer, j'descend les escaliers à toute vitesse, j'suis essoufflée, j'ai faillis louper deux/trois marches au passage. J'ouvre la porte tout doucement, le cœur qui palpite, limite j'ai l'impression qu'il va sortir d'ma poitrine. J'flippe à l'idée que mes frères soient rentrés, mais non j'me fais des films, ça aurait été le cas j'serais recherchée dans tout le quartier à l'heure qu'il est. Comme une fugitive, parce qu'une prisonnière c'est ce que je suis en réalité.

J'me faufile dans toutes les pièces sauf dans la chambre de mes parents, j'prend pas le risque de les réveiller et de me faire cramer. Certes j'faisais rien de mal, mais qu'est-ce-qu'ils penseraient de moi ? Mes frères leur en font assez voir de toutes les couleurs pour que j'en rajoute. J'veux pas les décevoir, j'veux pas être la cause de leurs larmes. Une fois rassurée parce que mes frères n'étaient pas dans le foyer familiale, j'vais enfin me coucher.

6h01 - Des gros bruits se font entendre sur le palier, accompagné de cris "POLIIIIIIIIICE", "OUVREZ OU ON DÉFONCE LA PORTE!" Putain c'est quoi ce bordel encore, j'me met à paniquer, de peur que ce soit l'un de mes frères que ces shmettas sont venus rafler. J'sors de ma chambre, j'vois que chez moi tout le monde est réveillé, ces chiens n'ont aucun respect, ils s'croient dans un zoo. Même les animaux sont plus respectés... Kassym est en train de regarder à travers le judas, c'est de famille la curiosité ici. J'vous cache pas que j'étais inquiète. Une fois que les bruits se sont calmés, j'ai compris que ça n'était pas un de mes frères qu'on était venu chercher. J'étais quelque peu rassurée, mes parents étaient retournés se coucher, Kamyl était retourné dans sa chambre bien avant eux, et Kamyl a fini par rejoindre son lit à son tour. J'me retrouvais seul face à cette situation. A mon tour j'suis allée jeter un coup d'œil. La porte d'en face était entre-ouverte, je pouvais apercevoir un bout d'cette uniforme bleu que je déteste. On ne voyait rien, à part ce condé. J'entendais des pleurs, ce devait être la mère de Tarek...

Kassym : Tu fais quoi là ?!

A cause du stress que j'ai sécrété suite à l'entente de la voix de mon frère j'me suis cognée la tête contre la porte.

_ Heu... Je... Je suis venue prendre une brique de lait dans le cagibi.

Kassym : Ouais c'est ça, aller bouge.

Tellement que j'avais honte, j'ai même pas chercher à rendre mon mensonge plus crédible que ça, et j'suis retournée dans ma chambre sans avoir pris la brique de lait, sous le regard outré de mon frère. Je m'assoie sur mon lit, parce que vu l'action qu'il y a eu, c'est mort je vais pas réussir à dormir j'parle pas de la perquisition, ça arrive souvent ici malheureusement, mais mon frère m'avais cramé en train d'espionner et j'étais mal à l'aise par rapport à ça. J'me met à cogiter, encore et encore, alors c'est ce sort là qui attend ceux qui vivent dans les HLM ?

La cité de ma fenêtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant