La brume envahit l'espace. Devant mes yeux ne se dresse plus qu'un voile opaque qui brouille ma vue. Je suis enfermé dans ma bulle.
Je porte encore une fois le mégot à mes lèvres et aspire la fumée qui s'en dégage. Ma gorge brûle encore à son contact, laissant derrière elle comme une trainée de poudre étouffante qui menace de me tuer à petit feu. Je sens que mes poumons s'irritent au rythme de l'écoulement du temps.
Je suis assis sur un canapé trop mou pour s'y sentir à l'aise. Mon dos est collé au dossier, et ma tête se laisse reposer sur le tissu humide des dizaines de verres d'alcool renversés dessus.
La lumière tamisée crée des ombres menaçantes tout autour de nous, mais je crois qu'ici, je reste la plus grande menace.
Nous passons trop de soirées alcoolisées ici, mais j'aime ça.
Mes semblables sont tous assis autour de moi, sur le canapé ou sur des poufs, laissant ainsi apparaître une table basse remplie de produits illicites au centre de la pièce. Pousse-au-crime, drogue et bouffe font toujours partie de nos veillées nocturnes.
Chic.
Ça me fait planer comme Peter Pan.
Je suis plongé dans mes pensées, même lorsque je n'ai pas vraiment l'impression que ce soit le cas. Je suis souvent entouré, mais toujours seul. Je ne suis pas comme les autres. Je suis solitaire et égoïste. Et même lorsque je suis en bonne compagnie, le vide en moi n'est jamais comblé.
En fait, je n'ai confiance en personne et je me méfie de tout le monde. J'ai grandi comme ça. Je me suis forgé comme ça. Il n'y a que les plus forts qui restent en vie, et je refuse d'être faible.
Je ne suis ni blasé, ni dépressif. Encore moins pessimiste. Je me considère plutôt comme réaliste.
J'ai plusieurs fois côtoyé la mort de près. Elle n'a jamais voulu m'ouvrir les bras. Le commun des mortels pense que mourir est le plus difficile. Moi, je trouve que le plus dur, c'est de vivre - ou de survivre - dans ce monde de merde.
Ouais, ce monde de merde.
J'attends la mort avec impatience, passant le temps en faisant dérailler mon cerveau chaque jour, espérant que cet instant arrive encore plus vite que prévu.
Cela fait des heures que je suis assis là, sur le divan dégueulasse, à écouter parler mes collègues raconter des tas de conneries. Un verre d'alcool à la main, ils discutent de choses et d'autres, rient, flirtent.
Ils sont tous en bonne compagnie ce soir : les jeunes femmes qui partagent notre antre sont toutes plus belles les unes que les autres. Ce ne sont jamais les mêmes, sauf exceptions.
Elles sont parées de robes moulantes, et portent des chaussures à talons rendant leurs jambes toujours plus galbées. Leur parfum floral se mêle aux relents de drogue qui flottent dans l'atmosphère. C'est tellement ridicule.
Heureusement pour vous, j'suis trop défoncé pour avoir envie de baiser.
Souvent, nous faisons venir des filles à nos soirées pour nous divertir, ou simplement pour nous vider les couilles. La plupart de nos connaissances trouvent ça d'une grossièreté sans nom. Nous, nous trouvons cela revigorant. La vie vaut la peine d'être vécue ainsi. Je profite des échappatoires qui me sont offertes, c'est tout. Et soit dit en passant, ces femmes en profitent bien aussi.
Je crois que j'ai toujours aimé baiser.
Mais je n'ai jamais fait l'amour.
Je suis un dominant. J'aime quand la personne qui se trouve en face de moi perd tout moyen de m'échapper. J'aime quand elle se laisse engouffrer dans son propre Enfer, se laissant guider par ses démons - et par les miens.
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LA MORSURE DU DESTIN
RomanceIris est une jeune femme modèle de dix-huit ans : bonne élève, serviable, équilibrée. Elle a tout pour plaire, et son intelligence la destine à un avenir prometteur. Pour Ciaràn, vingt-cinq ans, la vie n'est qu'un vaste terrain de jeu macabre. Il e...