Ça fait six heures que je n'ai pas bougé.
Je suis toujours affalée dans mon lit. Je n'ai rien mangé, et je ne me suis même pas levée pour aller aux toilettes.
C'est comme si mon corps s'était arrêté depuis la veille, comme si je n'étais plus qu'une poupée de porcelaine. Figée dans l'instant présent, à jamais.
Facilement brisable.
Encore plus avec ces fêlures déjà présentes qui jonchent mon âme.
Je me sens comme brisée de l'intérieure, morte.
Encore plus morte que jadis.
Jusqu'à maintenant, je parvenais à faire abstraction de mon passé morbide. Je parvenais à vivre une vie quasiment normale, à dominer mes traumatismes.
Mais là, tout a changé.
Merci bien, Ciarán.
Mon horizon est emprisonné par des nuages noirs, mon monde intérieur semble se noyer dans les vagues terrifiantes d'un océan de ténèbres. Je suis emprisonnée dans un tourbillon de malheur, dans un tourbillon de douleur.
Mon corps se meurt.
Mon âme s'envole peu à peu et se perd dans les méandres de ma vie insouciante. Mon corps n'est plus qu'un outil. Un réceptacle.
Je ferme les yeux.
Je le vois.
Il est là, devant mon lit. Dans ma chambre. Dans mon intimité.
Il se tient droit, à quelques mètres de mon corps déjà meurtri. Il me menace. Il me teste. Il sourit comme un prédateur sourit à la proie qu'il va bientôt tuer. Et même s'il ne place pas ses mains autour de ma gorge, il me tuera. D'une manière ou d'une autre. J'en suis intimement convaincue.
J'ouvre les yeux à une vitesse fulgurante.
Mon lit semble être mon tombeau. Je ne désire ni vivre, ni mourir. Je ne suis qu'une ombre, un ermite. Un souvenir.
Maman et Papa m'ont demandé de venir manger, ce matin, avant qu'ils ne partent au travail. Je n'en ai pas eu envie. Je n'ai pas voulu éveilleur leurs soupçons, alors j'ai simulé un mal de crâne. Ça vaut mieux que de longs discours inutiles. Je referme à nouveau les yeux, en laissant quelques larmes perler et venir tapisser les plumes intérieures de mon oreiller.
Et puis, contre toute attente, une nouvelle image me vient en tête. Je la laisse s'emparer de mon esprit sans rechigner...
Je vois Ciarán, recroquevillé dans un coin.
Il semble être dans une prison, ou une cave. L'humidité est omniprésente, tout comme l'odeur de la mort. Des larmes coulent sur ses joues hâlées, et son corps tremble comme si le monde avait fait de lui une créature étrangère. Son aura diabolique a disparu, ne laissant place qu'à un homme faible, sans défenses, incapable de se rebeller. Il est enfermé dans ses propres tourments. Il ne parvient pas à s'en sortir. Son destin est déjà tout tracé...
J'ouvre encore une fois les yeux et fixe le plafond blanchâtre de ma chambre. Puis, dans un murmure, je m'adresse à moi-même :
— Non... J'peux pas... Le... Laisser... Agir comme ça...
Je tends un bras vers ma table de chevet, et attrape mon portable. Je le déverrouille avec difficulté, les doigts encore tremblants, puis clique sur le nom "Hava".
Moi (texto) : Hava...
Hava (texto) : Coucou ma puce, comment tu vas ?
Moi (texto) : J'ai besoin d'aide, Hava...
Hava (texto) : Iris ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
Moi (texto) : C'est Ciaràn...
Hava (texto) : Bordel ! Il a foutu quoi, encore ?!?!
Moi (texto) : Il... Il a...
Hava (texto) : QUOI ?!
Moi (texto) : Je t'en supplie... Viens chez moi. J'ai besoin de toi...
Hava (texto) : Putain, l'enculé !!! J'arrive, tiens bon, ma puce !
Je ne sais pas comment toute cette histoire risque de tourner. Mais ce dont je suis certaine, c'est que j'ai absolument besoin de mon amie à cet instant. Et seulement d'elle.
Vouant une haine sans faille à Ciarán, elle saura m'écouter.
Peu importe les conséquences, je lui raconterai tout.
Mais en échange, et même si j'ai une vague idée de ce qu'il en retourne, je veux tout savoir sur leur passé commun.
Je veux savoir pourquoi Hava lui en veut autant, savoir pourquoi Ciarán la méprise à ce point.
Tout.
À cœur ouvert.
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LA MORSURE DU DESTIN
RomanceIris est une jeune femme modèle de dix-huit ans : bonne élève, serviable, équilibrée. Elle a tout pour plaire, et son intelligence la destine à un avenir prometteur. Pour Ciaràn, vingt-cinq ans, la vie n'est qu'un vaste terrain de jeu macabre. Il e...