CHAPITRE 29 - Iris

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L'herbe fraîche craquelle sous chacun de mes pas. Mes souliers s'enfoncent dans le sol, comme si mon corps voulait s'ancrer dans ses derniers instants. Je n'arrive pas à envisager le moindre scénario ; c'est comme si mon cerveau ne fonctionnait plus.

Je suis une ombre qui se promène nonchalamment dans un parc dont le brouillard s'épaissit à vue d'œil.

Voilà où j'en suis.

Je n'ai même pas daigné emporter avec moi de quoi me défendre : une bombe lacrymogène, un couteau, un poing américain... Rien.

L'insouciance même.

Et, tout à coup, j'aperçois une silhouette dans la pénombre. Celle-là même qui m'empêche de dormir la nuit.

— Ciarán...? L'interpellé-je.

Il ne répond pas, et se contente de s'approcher. Il avance et les rayons de la lune l'éclairent de leur lueur blafarde. Il fume une cigarette, qu'il porte à ses lèvres. Je baisse les yeux vers ses doigts longs et sveltes, et de nouvelles pensées me traversent l'esprit.

Ses doigts en moi...

Oh...

Punaise !

Il faut que je me ressaisisse.

Je commence à me demander si, plutôt que d'entamer des études de psychologie, je ne ferais pas mieux de me faire interner directement en asile. Peut-être aurais-je alors des chances de m'en sortir, psychologiquement parlant.

— Alors... Qu'est-ce que je fiche ici, Ciarán ?! L'agressé-je.

Voilà une bonne manière de me souvenir de qui il est. Un violeur. Un homme qui a profité de ma gentillesse et de ma bienveillance, pour abuser de moi à la première occasion.

— Je voulais te voir, m'annonce-t-il dans le plus grand des calmes.

— Ah... Çà j'avais compris. Charmant de ta part d'avoir pensé à moi, rétorqué-je.

— Iris...

Quoi ?

Il m'appelle encore par mon prénom ?

Mais depuis quand ?

Je réalise soudain que c'était une très mauvaise idée de venir seule jusqu'ici. Je risque gros. Je risque ma vie. Encore une superbe preuve de ma suprême intelligence.

Il faut à tout prix que je m'en aille. Je n'ai pas le choix, si je ne veux pas me faire casser en deux.

Et je pèse mes mots.

— Ciarán, je... Non. Je ne veux pas te voir, je ne veux pas t'approcher, je ne v...

— Iris, me coupe-t-il alors. Je veux qu'on parle. Et si tu es venue jusqu'ici, c'est parce que tu veux entendre ce que j'ai à te dire...

— Toi, parler ? Tu ne sais que frapper, étrangler et envoyer bouler les gens autour de toi ! Tu n'as aucun sentiment, rien !

— Pardon ?

— Tu me fais peur, Ciarán, avoué-je alors. T'es un vrai taré !

— Arrête...

— Tu n'as aucun cœur !!!

Il marque une pause.

Le silence s'installe, nous plongeant dans une atmosphère plus que pénible et glauque. Son visage s'assombrit davantage. Il me lance des éclairs et, pourtant, il ne me saute pas à la gorge.

LA MORSURE DU DESTINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant