CHAPITRE 38 - Iris

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Je fixe l'horizon à travers la fenêtre.

Ciarán se trouve de l'autre côté de la pièce, et ça me convient. J'ai peur de lui. J'ai peur que ses démons l'envahissent encore une fois. Et pourtant, au fond, tout au fond de mon cœur, je sais quelle est ma mission.

Je sais que je suis la seule à pouvoir le sauver, à pouvoir exorciser ses démons.

La seule à pouvoir l'aimer à ce point.

Car bien sûr, je ne peux plus nier l'évidence : j'ai des sentiments pour lui.

Alors, après y avoir mûrement réfléchi, je lui lance des mots qui vont certainement changer ma vie à jamais :

— Montre-moi.

Oui, Ciarán.

Montre-moi tout.

Fais-moi ressentir ce que tu ressens.

Fais-moi aimer ce que tu aimes.

Fais-moi détester ce que tu détestes.

— Non, rugit-il sèchement.

Il me tourne le dos et pose ses mains sur le mur. Il baisse la tête, comme s'il s'avouait vaincu. Ou plutôt... Comme s'il avait peur. Pourquoi a-t-il aussi peur ? Je ne suis qu'une femme insignifiante, à ses yeux.

— Pourquoi ? Insisté-je, en m'approchant de lui.

Je crois qu'au fond, il ne se connaît même pas lui-même. Il ne semble pas savoir jusqu'où il peut aller, quelles sont ses propres limites.

— Je vais te blesser. Mon monde n'est pas fait pour toi, Iris.

— Je ne suis qu'une femme parmi tant d'autres sur lesquelles tu es passé. Pourquoi tu refuses ? Insisté-je.

— Tu ne le mérites pas. Tu as assez à faire avec tes propres traumatismes, Iris. T'as beau faire semblant, tu es complètement détruite.

Je ne relève pas ses paroles ; je n'en ai pas la force.

— Montre-moi. Je t'en supplie. Je veux savoir jusqu'où tu es capable d'aller.

— Est-ce que t'es inconsciente, ou alors complètement conne, Iris ? M'envoie-t-il.

— Peut-être les deux.

Ciarán soupire profondément en faisant la grimace.

— Pitié... Montre-moi, réitéré-je.

— En plus d'être insouciante et conne, t'es maso ?!

— Je serai ce que tu veux que je sois, rétorqué-je.

— Tu sais pas dans quoi tu t'embarques...

Je sais que je vais le regretter.

Mais je m'en fiche.

Si c'est le prix à payer pour son amour, alors je souhaite me lancer au plus profond de mon cœur. Si c'est cela qu'il faut pour le comprendre, alors je veux franchir ce pas. Peu importe ce qu'il m'en coûtera.

— Je m'en fiche.

— T'en es certaine ?

***

Nous sommes postés l'un devant l'autre.

Le silence a envahi la pièce, et les seuls bruits sourds que je parviens à distinguer sont les battements de mon cœur qui s'affole.

Boum boum. Boum boum. Boum boum.

Je sais que je suis sur le point de faire un pacte avec le Diable, mais c'est nécessaire. Je l'aime. Et je dois aussi aimer cette partie de lui qui me terrorise. Et au fond, quand j'y réfléchis, je me dis que c'est cette partie de son âme, celle qu'il m'a montrée dès notre rencontre, dont je suis tombée amoureuse.

LA MORSURE DU DESTINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant