CHAPITRE 42 - Iris

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Cela fait deux jours que je cherche à joindre Ciarán.

Que tout le monde cherche à le joindre.

Mais rien.

C'est le silence radio.

Je ne parviens pas à comprendre ce changement soudain de comportement. Peut-être est-il réellement comme Dalila me l'a décrit ? Un être complexe. Ou ne m'aime-t-il tout simplement pas, qui sait ? Je ne pourrais pas me faire à cette dernière idée. Mais je dois en avoir le cœur net.

Alors je décide que je prendrai ma voiture, et me rendrai tout droit vers son appartement. J'espère y trouver des explications, du réconfort peut-être ? Et avec un peu de chance, Ciarán acceptera de me reprendre.

Cela dit, j'y crois moyen.

Je descends les escaliers en silence, attrape une veste en jean sur le porte-manteau de l'entrée, puis me dirige vers la sortie sur la pointe des pieds.

— Eh eh eh ! Où tu vas, comme ça ?! M'interpelle ma mère, une fois ma main posée sur la poignée.

— Heu, je... J'vais voir Hava... Tenté-je sans me retourner.

— Tu mens, Iris, affirme-t-elle.

Quoi ?

— Depuis un moment déjà ! M'envoie ma mère en plein visage.

— Pardon ?

Je me retourne et fais face à une femme dont le visage est on ne peut plus sceptique.

Je ne sais pas quoi dire, ni comment analyser ses paroles. De quoi est-elle au courant, exactement ? Est-elle au courant pour Ciarán, pour la discothèque, pour les deux ?

— Fais pas l'innocente, Iris ! Me menace-t-elle en me pointant du doigt, sans daigner se lever du canapé. Tu restes ici, que tu le veuilles ou non ! J'en ai assez de tes conneries ! T'as vu dans quel état tu es ?!

Je sais, Maman.

Je t'ai toujours respectée.

Mais aujourd'hui, plus rien ne compte, si ce n'est Ciarán.

Je dois y aller.

— Je sors quand même, lui annoncé-je.

— NON ! HORS DE QUESTION ! S'égosille-t-elle en se relevant cette fois, et en galopant dans ma direction. Tu comptes aller voir un homme, c'est ça ?! Hors de question ! Tu respecteras notre famille et tu feras honneur à ton père, Iris ! C'est un ordre !

— Toujours les mêmes discours conservateurs... Mais là, il y a plus important ! Rétorqué-je, refusant de rebrousser chemin.

— Cette jeune femme, Dalila...

À l'entente de ce prénom, je tique. Mes yeux s'ouvrent davantage, et je sens mon cœur s'affoler. Le sang pulse dans mes veines.

— Et bien quoi, « Dalila » ?!

— Elle m'a dit que tu étais tombée amoureuse d'un homme, Iris. Et pas n'importe lequel. La pire des raclures !

— QUOI ?!

Je vois rouge, tout à coup. Comment Dalila a-t-elle pu oser dévoiler ma vie à ma mère ? Je ne parviens pas à l'expliquer.

Ou plutôt si...

Pour m'éloigner de Ciarán.

Pour me sauver.

Ou pour sauver leur relation, qui sait !

Je ne réponds rien, mais ne bouge plus d'un pouce. Je plonge les mains dans les poches de ma veste en jean et baisse les yeux.

— Donc, c'est vrai... Conclut-elle. Vas-y, je t'écoute. Qui c'est, ce type ?!

— Ce « type », je l'ai rencontré en discothèque, Maman. Et j'en suis tombée follement amoureuse. C'est vrai.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ?! Hurle-t-elle. Comment ça, en « discothèque » ?! PUTAIN ! J'en étais sûre ! Je savais que tu commençais à trop souvent sortir !

— Ça n'aurait rien changé, affirmé-je.

— Et ce type ?! Insiste-t-elle.

— Je l'aime.

— J'imagine que c'est un alcoolique ?!

— Un drogué, en plus de ça ! La provoqué-je.

Elle ne dit plus rien. Elle se contente de me fixe ardemment, les mains sur la bouche, tremblante. Son visage devient pale comme un linge. Et je crois qu'à sa place, j'aurais frôlé la syncope. Elle s'en sort bien.

— Maman... J'irai le voir, que tu le veuilles ou non, lui annoncé-je alors en me tournant à nouveau en direction de la lourde porte d'entrée de notre demeure.

— Si tu passes cette porte, Iris, ne reviens jamais, me menace-t-elle.

Un ultimatum.

Il ne manquait plus que ça.

Tout à coup, par je ne sais quel miracle, je parviens à me retourner encore une fois, et entame un duel de regard avec ma mère.

Je ne me reconnais plus, mais il y a urgence.

— Maman... Murmuré-je en me rapprochant d'elle pour prendre son visage dans mes mains. Écoute-moi.

— Rien de ce que tu pourras dire ne me fera changer d'avis sur la question, Iris, me prévient-elle.

— Je t'aime Maman, tu le sais, continué-je en ignorant sa remarque. Et je te respecte. Mais cet homme a besoin de moi, bien plus que tu ne peux l'imaginer... Je l'aime.

Elle ne répond rien. Elle rapproche ses mains des miennes et les enveloppe. Sa chaleur me rassure. Mais je ne peux pas me permettre d'attendre plus longtemps. Mon âme rugit à l'intérieur de moi.

J'ai un très mauvais pressentiment.

Je dois y aller.

— Je veux juste te protéger, ma puce...

Elle me serre fort dans ses bras en pleurant.

— Tu sais que je veux simplement te protéger, mon cœur... Fais attention à toi, ma chérie, je t'en prie... Le monde regorge de tarés, tu sais.

— Je le sais. Il ne m'arrivera rien, Maman. Je te demande simplement de me faire confiance.

— Je ne veux pas que cet homme t'entraîne vers le fond.

— C'est moi qui vais l'attirer plus haut, Maman, promets-je alors. Ey je ne serai pas seule, Dalila sera avec moi.

Alors, je lâche le visage de ma mère après l'avoir embrassée sur le front. Elle acquiesce à contre-cœur, et me relâche. Je déguerpis en vitesse.

Sur le chemin pour rejoindre ma voiture dans la cour, je téléphone à Dalila, et lui indique de me rejoindre au supermarché, qui se trouve à moins de cinq minutes d'ici.

Une fois à l'extérieur, je dégaine mon portable comme une cowgirl dégaine son flingue, puis je tape son numéro. Je glisse le cellulaire sous ma masse de cheveux ébouriffés.

— Allô ? Répond une voix efféminée à l'autre bout du fil.

— Salut, Dalila, heu...

Sans que je ne m'y attende, elle prend les devants :

— Ciarán ne répond pas... T'as des nouvelles ?

— Non ! J'voulais justement te proposer d...

— J'suis de la partie ! Me coupe-t-elle.

LA MORSURE DU DESTINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant