Vendredi...
Sachant que Bertrand rentrera ce soir, Nelly ressent un besoin impérieux de se raccrocher à son monde, à ce qui lui est familier, rassurant. Elle décide d'aller voir son père, prenant Louis avec elle. Son cœur est lourd, la fatigue physique et émotionnelle pèse sur ses épaules comme un fardeau invisible mais écrasant.
Quand elle arrive chez Pierre, l'odeur réconfortante de la terre et des légumes du jardin emplit la petite maison. Dès qu'elle passe la porte, Louis se met à tenter de parler, attiré par la voix chaleureuse de son grand-père. Mais Nelly, elle, reste silencieuse, le regard perdu, le corps tendu.
— Ma chérie ? Ça ne va pas ? demande son père doucement, son visage se plissant d'inquiétude.
Nelly tente un sourire, mais il ne parvient pas à atteindre ses yeux. Elle soupire, baissant la tête, comme si le poids de ses pensées était trop lourd à porter.
— Ce n'est rien, murmure-t-elle d'une voix rauque. Juste de la fatigue...
Son père, toujours attentif, plisse les yeux. Il connaît sa fille, et il sait que la fatigue n'est jamais que la surface des choses. Il s'approche doucement, ses mouvements lents, apaisants, et prend une grande inspiration avant de demander :
— Mais il n'y a pas ce... cet acteur pour t'aider ?
Sa voix est hésitante. À ces mots, Nelly se fige. Un nœud se forme instantanément dans sa gorge, et avant qu'elle ne puisse le contrôler, les larmes commencent à couler. Elle sanglote d'abord doucement, comme si elle voulait retenir le flot, mais très vite, ses épaules se secouent sous le poids de la tristesse qu'elle ne peut plus contenir. Bientôt, elle éclate en sanglots, pleurant de tout son cœur, laissant échapper tout ce qu'elle refoule depuis si longtemps.
— Qu'y a-t-il, ma puce ? s'inquiète Pierre, son ton se fait plus urgent mais toujours empreint de tendresse.
Nelly secoue la tête, incapable de répondre. Les mots lui manquent, tout comme l'énergie pour expliquer ce désarroi, cette confusion, ce tourbillon d'émotions dans lequel elle se sent piégée. Elle n'arrive plus à faire semblant, à porter le masque de la femme forte et indépendante qu'elle veut montrer à son entourage.
— Je ne peux pas, Papou, sanglote-t-elle entre deux respirations haletantes. Je ne peux plus...
Comprenant qu'elle est à bout, son père ne cherche pas à la forcer à parler. Il la prend doucement dans ses bras, son étreinte protectrice l'enveloppant. Il lui murmure des paroles apaisantes, des mots qui n'ont pas forcément de sens, mais qui ont le pouvoir magique de ramener un peu de réconfort, comme lorsqu'elle était enfant. Il lui chante quelques mélodies de son enfance, celles qu'il lui fredonnait pour l'endormir après une journée trop longue ou trop difficile.
Nelly se laisse aller contre lui, comme si ce simple contact lui permettait de déposer, ne serait-ce que quelques instants, le poids de ses peurs. Elle se sent à nouveau cette petite fille vulnérable, celle qui se réfugiait dans les bras de son père après une journée d'école où elle s'était sentie invisible. Le temps passe, et les sanglots finissent par s'estomper, remplacés par des soubresauts irréguliers. Son père ne la quitte pas des yeux, la berçant toujours, patiemment, attendant qu'elle trouve le calme intérieur nécessaire pour parler.
Plus tard, enveloppée dans un plaid sur le canapé du salon, Nelly regarde son père s'affairer. Il s'occupe de Louis, son visage détendu chaque fois que son petit-fils éclate de rire. Pierre déambule dans la cuisine, épluchant des légumes du jardin, préparant une poêlée simple mais réconfortante pour Nelly.
De son coin de canapé, Nelly observe cette scène, se sentant à la fois protégée et désemparée. Elle veut croire que tout va bien aller, que ce moment de faiblesse est temporaire. Mais le vide laissé par Bertrand, l'incertitude de son mariage, et la confusion que provoque Jonas dans sa vie rendent cette quiétude temporaire presque irréelle. Elle ferme les yeux un instant, se perdant dans le doux parfum des légumes qui cuisent, et s'accroche à l'idée que, même pour quelques heures, elle est en sécurité ici, auprès de son père, dans ce refuge si familier. Mais elle sait que tôt ou tard, elle devra affronter ce tourbillon qui la hante, et reprendre le contrôle de sa vie, même si elle ignore encore comment.

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Joue-moi, l'amour
RomanceNelly professeure de théâtre passionnée, mène une vie tranquille près de Bordeaux, loin du tumulte parisien où son mari, un acteur de série télévisée, passe la plupart de son temps. Leur mariage, déjà fragile, s'effrite sous le poids de la distance...