Chapitre 68

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Vers vingt heures, Nelly regarde l'horloge murale. Le silence de la maison résonne autour d'elle, seulement interrompu par les légers bruits des aiguilles qui tournent inlassablement. Toujours aucune nouvelle de Bertrand. Au fond, elle n'en est pas surprise, mais elle ne peut empêcher cette pointe de frustration de lui traverser l'esprit. Pendant un moment, elle se demande si elle devrait essayer de l'appeler, puis elle secoue la tête.

— Non, murmure-t-elle en se levant du canapé. Il s'amuse...

L'amertume dans sa voix est palpable, mais elle n'a même plus la force de s'en inquiéter. Elle ne veut pas savoir où il est, ni avec qui. Chaque détail qu'elle pourrait apprendre ne ferait qu'ajouter une couche de douleur à ce cœur déjà écorché. Elle se répète qu'elle doit l'ignorer, qu'elle mérite mieux que ça. Mais l'idée la ronge, doucement, insidieusement, comme une blessure qui refuse de guérir.

Elle sent une étrange envie de se confier monter en elle. Sa sœur Maddy et Leticia lui viennent à l'esprit, ses confidentes de toujours. Elle sait qu'elle pourrait leur parler, qu'elles l'écouteraient sans la juger. Mais comment pourrait-elle leur raconter ? Les baisers avec Jonathan, l'intensité de ces moments volés. Elle rougit rien qu'à y penser, le souvenir de ses lèvres sur les siennes revenant avec une force qu'elle n'avait pas anticipée. Le simple souvenir la trouble, car elle sait qu'il ne s'agissait pas que de simples baisers. Ces moments avaient une signification bien plus profonde, quelque chose qu'elle refuse encore de nommer. Et pourtant, elle ne peut en parler à personne. Elle n'ose pas, parce qu'elle ne sait pas jusqu'où la perfidie de Bertrand pourrait aller. Son cœur se serre à l'idée que son propre mari pourrait l'espionner, et son regard fait rapidement le tour de la pièce.

— Et si... chuchote-t-elle en fronçant les sourcils, mal à l'aise.

Il aurait pu, après tout. Poser des micros. Installer des caméras. Cela ne semble plus aussi fou. Bertrand a déjà montré qu'il n'a aucun scrupule à la contrôler, à surveiller ses moindres gestes. Un frisson désagréable parcourt son échine. Elle secoue la tête pour chasser cette idée, mais elle n'arrive pas à se débarrasser de cette sensation désagréable qui l'habite. Elle s'installe sur le canapé, essayant de chasser ces pensées envahissantes. En s'enfonçant dans les coussins, elle attrape un plaid doux, cherchant un semblant de réconfort. C'est alors que Capuchon, son fidèle chat, grimpe sur ses genoux, ronronnant doucement. Son ronronnement a toujours cet effet apaisant, comme une ancre qui la ramène à un moment présent plus paisible. Elle caresse machinalement le pelage soyeux de l'animal, mais son esprit reste en ébullition.

— À quoi tu penses, Nelly ? murmure-t-elle à elle-même, le regard perdu dans le vide.

Cette question, aussi simple soit-elle, la frappe comme une révélation. Que pense-t-elle réellement ? Que cherche-t-elle en ce moment ? Son cœur est un champ de bataille, tiraillé entre sa peur de Bertrand, sa culpabilité et ses sentiments pour Jonathan. Il y a ce besoin de se sentir libre, aimée pour ce qu'elle est, et pas pour l'image que Bertrand projette d'elle. Mais tout cela la confond encore. Elle pousse un long soupir, fermant les yeux.

Elle saisit son téléphone d'un geste lent, hésitant un instant avant de taper un message :

20:32 - Nelly : Salut Leti, tu passes me voir ?

Envoyer ce message la soulage un peu. Elle sait qu'elle a besoin de parler, même si elle ne pourra peut-être pas tout dire. Leticia saura l'écouter, même si elle reste vague. Et puis, la compagnie de son amie lui manque terriblement ces derniers temps.

Se levant enfin du canapé, elle se dirige vers la cuisine. Le froid des carreaux sous ses pieds la surprend légèrement. Elle allume une lumière douce, puis commence à préparer deux assiettes.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant