Chapitre 75

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Vendredi, dix-neuf heures...

Le cours pour adultes s'est déroulé sans accroc. Les comédiens connaissaient à présent presque tous leurs scénettes et parvenait à maîtriser quelques exercices. Les plus anciens et les plus assidues, eux, l'épatait toujours un peu plus.

Pourtant, derrière son sourire poli et ses gestes maîtrisés, elle sent une tension latente. Quelque chose en elle reste tendu, comme une corde prête à se rompre à tout moment. Son cœur, bien que concentré sur les exercices, ne cesse de battre trop vite à chaque fois que son regard croise celui de Jonathan. Elle lui en veut. Pas seulement à cause de ce qu'il représente pour elle, mais pour cette sincérité désarmante qui la déséquilibre. S'il avait été plus froid, distant, voire indifférent, cela aurait été tellement plus simple. Mais non. Jonathan n'était pas un goujat. Cela aurait dû lui faciliter la tâche de l'éloigner, mais au contraire, il est attentionné, tendre, et terriblement séduisant, renforçant son propre dilemme.

Elle aussi se retrouve à redécouvrir une partie d'elle qu'elle croyait perdue. Ce je-ne-sais-quoi, cette flamme intérieure qu'elle pensait éteinte depuis des années. Elle se souvient vaguement de cette sensation, celle qui l'avait habitée lorsqu'elle croyait encore à l'amour inconditionnel, à l'âme sœur. Mais c'était il y a si longtemps... avant les compromis, avant le poids de la routine, avant Bertrand. Aujourd'hui, face à Jonathan, tout semble différent. Elle a retrouvé cette part d'elle-même qu'elle pensait oubliée. Son cœur. Son tout.

Le cours terminé, alors que les autres élèves se dispersent dans la salle, Jonathan s'approche d'elle, son sourire toujours aussi irrésistible, sa démarche pleine d'assurance. Nelly s'efforce de maintenir un air détendu, mais elle peut sentir l'effervescence dans son ventre, cette appréhension mêlée à un désir qu'elle s'efforce de dissimuler.

— Je te raccompagne à ta voiture ? propose-t-il en lui tendant son bras, un geste à la fois élégant et protecteur.

Nelly hésite une fraction de seconde, puis acquiesce avec un sourire. La chaleur de son bras contre le sien fit jaillir une myriade de sensations qu'elle n'a plus ressenties depuis longtemps.

— Avec plaisir, murmure-t-elle, sa voix un peu plus douce qu'elle ne l'aurait voulu.

Ils marchent ensemble, leurs pas en parfaite synchronie, le silence qui les enveloppe n'est pas pesant, mais au contraire, chargé d'une complicité silencieuse. Chaque souffle de vent semble renforcer l'intensité de l'instant. L'obscurité qui s'installe autour d'eux ajoute une intimité inattendue, comme si le monde extérieur s'efface progressivement, ne laissant que leurs présences à l'unisson.

Arrivés près de sa voiture, Jonathan s'arrête, se tournant légèrement vers elle. Il lui ouvre la portière avec cette élégance naturelle qui la fait craquer, ses yeux brillent sous les réverbères, éclairés par une lueur qu'elle connait bien — un mélange de tendresse et de désir, à peine contenu. Nelly, sentant l'irrésistible besoin de prolonger cet instant, se met sur la pointe des pieds, ses lèvres frôlant la commissure des siennes dans un baiser aussi léger qu'un souffle. Ce n'est pas un vrai baiser, juste une esquisse, une promesse suspendue.

— Bonne soirée, murmure-t-elle, un sourire flottant sur ses lèvres, mélange de douceur et de tristesse.

Elle aurait voulu prolonger l'instant, mais elle sait que tout ce qui suivrait pourrait être dangereux. Jonathan, surpris par la délicatesse de son geste, se penche légèrement vers elle, les yeux dans les siens. Il aurait pu l'embrasser pour de bon, mais il se retint. Il ne peut pas. Pas encore. Pas en publique. Il ne doit pas, non plus, briser cette barrière fragile qu'ils ont mise en place.

— Bonne soirée, mon amour, répond-t-il doucement, sa voix vibrante d'émotions.

Nelly se fige un instant, son cœur ratant un battement. Ces mots, si simples et pourtant si lourds de sens, résonnent en elle avec une intensité presque douloureuse. Elle aurait dû s'indigner, lui dire que ce n'était pas approprié, qu'il ne peut pas l'appeler ainsi. Mais au lieu de cela, elle reste là, la main sur la poignée de sa voiture, le regard plongé dans le sien.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant