Vendredi...
Nelly gare sa petite voiture verte devant la maison de Leticia. La vieille citadine émet un dernier vrombissement fatigué avant de s'immobiliser, laissant Nelly soupirer de soulagement. Elle jette un regard vers la maison de sa meilleure amie, toujours aussi accueillante avec ses rideaux fleuris et ses murs pastel qui lui rappellent des souvenirs d'adolescence. Elle coupe le moteur et sort en vitesse, son fils Louis déjà à moitié endormi dans son siège auto.
Leticia, fidèle à elle-même, ouvre la porte avec un sourire radieux. Elle déborde de cette énergie joyeuse que Nelly a toujours admirée.
— Mais regarde-moi ça ! s'exclame Leti en se précipitant vers la voiture, les bras tendus pour attraper Louis. Mon filleul préféré ! Et le sac aussi, allez, donne.
Nelly ne peut s'empêcher de sourire devant l'enthousiasme de son amie, mais le poids dans sa poitrine refuse de se dissiper. Elle est fatiguée, épuisée même, mais pas juste physiquement.
— Tu as vraiment une sale tête... observe Leti en fronçant les sourcils, alors qu'elle prend Louis dans ses bras.
— Ouais, je sais, répond Nelly, sa voix dénuée de toute énergie.
Leti la fixe un instant, son instinct de meilleure amie en alerte.
— Ça ne va pas ? insiste-t-elle, cette fois avec un ton plus doux, tout en déchargeant Nelly du sac de bébé. C'est à cause d'hier ?
Nelly secoue la tête, tentant de dissimuler la tempête intérieure qui gronde.
— Je nage dans le bonheur... lâche-t-elle avec une pointe d'ironie, un sourire forcé aux lèvres.
— Sérieusement, Nel, c'est pas n'importe quel jour aujourd'hui... Leti la fixe de ses grands yeux, visiblement inquiète. Tu veux entrer cinq minutes ? Qu'on parle un peu ?
Nelly hésite, le regard perdu sur la route. Elle voudrait tellement s'effondrer dans les bras de Leti, lui raconter à quel point elle est perdue, combien la présence de Jonathan la bouleverse, à quel point elle redoute son départ. Mais elle ne peut pas, pas maintenant. Tout est trop confus.
— Pas le temps, répond-elle rapidement. Je reviens te chercher Louis ce soir.
Elle dépose un bisou tendre sur la joue de son fils, son cœur se serrant en voyant l'innocence dans ses yeux. Puis, sans attendre, elle court presque vers sa voiture, dont la portière est encore ouverte, un geste révélateur de son état de nervosité.
En montant à nouveau au volant, Nelly sent son cœur battre à une cadence irrégulière. Elle redevient accro à Jonathan, c'est plus fort qu'elle. Ils ont retrouvé cette complicité d'avant, ce lien qui lui avait tellement manqué. Mais en même temps, elle sait que cette relation est éphémère. Il va repartir, et elle le sait. Le supportera-t-elle ? Elle se convainc que non. Tout cela finira par la briser à nouveau.
Pourquoi a-t-il fallu qu'elle le revoie ? Pourquoi son père a-t-il gardé ces lettres ? Ces questions-là rongent, tournent en boucle dans sa tête alors qu'elle se dirige vers le théâtre, là où elle doit retrouver Jonas. Mais la présence de Jonathan plane comme une ombre, impossible à ignorer.
En arrivant, elle descend de la voiture et se dirige vers l'entrée du théâtre. Jonas est déjà là, avec deux de ses élèves. Il semble à l'aise, un sourire tranquille sur les lèvres. Ce petit moment de calme et de normalité contraste violemment avec le tumulte intérieur de Nelly.
— Bonjour, lance-t-elle, d'une voix qui se veut enjouée, mais qui sonne étrangement distante.
— Bonjour Mademoiselle Dudressie ! répondent en chœur les deux adolescents, visiblement excités par la présence de Jonas.
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Joue-moi, l'amour
RomanceNelly professeure de théâtre passionnée, mène une vie tranquille près de Bordeaux, loin du tumulte parisien où son mari, un acteur de série télévisée, passe la plupart de son temps. Leur mariage, déjà fragile, s'effrite sous le poids de la distance...