Chapitre 69 - Jonas

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Nelly l'obsède. Jonas se sent perdu, comme un homme naviguant sans boussole dans une mer tourmentée. Complètement paumé. Pourtant, quelque chose en lui semble plus léger depuis qu'il l'a retrouvée, comme si un poids invisible s'était un peu dissipé. Leur complicité est intacte, aussi naturelle qu'autrefois, et il se surprend à rire plus facilement, à se sentir vivant en sa présence. Mais cette lueur de bonheur est vite éclipsée par un désir qu'il ne peut plus ignorer, un désir qui le ronge de l'intérieur : il veut tellement plus que cette amitié. Ses pensées tourbillonnent, et une sensation d'étouffement l'envahit chaque fois qu'il envisage l'idée de tout gâcher, de la perdre à nouveau s'il franchit une ligne. Alors il cherche refuge, un lieu où il pourra se sentir en paix : Le cimetière.

Le chemin qui mène à la stèle familiale lui est désormais tristement familier, un sentier qu'il emprunte souvent lorsque le monde extérieur devient trop lourd à porter. Ici, parmi les pierres froides et les noms gravés à jamais, il trouve une sorte de répit, bien que fugace. Il aurait pu se rendre à l'hôtel, mais pour faire quoi ? Il a besoin de se retrouver auprès de ceux qu'il aime... même s'ils ne sont plus là. Peut-être que ce calme apaisera ses peurs...

Il est devenu expert dans l'art de fuir ses émotions, de se cacher derrière un masque de force, alors que tout en lui est en réalité une tempête de doutes et de regrets.

Il s'agenouille lentement devant la stèle familiale, le marbre glacé contre ses genoux lui rappelant cruellement l'absence de chaleur dans sa vie. Sa paume s'étend vers la pierre, effleurant la surface lisse et froide, un contact fragile mais réconfortant. Ce simple geste le ramène à eux, à ses grands-parents, ceux qui ont été ses piliers, ses repères dans un monde qui lui paraît si souvent vide de sens.

Un soupir discret s'échappe de ses lèvres. Il voudrait que ce contact suffise, mais il sait qu'il a besoin de plus. Beaucoup plus. Il a besoin de se sentir connecté à quelque chose de plus profond, de se raccrocher à une présence qu'il ne trouve plus que dans ses souvenirs.

Perdu dans ses pensées, il n'entend pas immédiatement la voix douce qui s'adresse à lui. Ce n'est que lorsque la question se répète qu'il ouvre brusquement les yeux, ses sens retrouvant l'instant présent.

— Tout va bien, jeune homme ?

Il tourne la tête, surpris, et son regard tombe sur une vieille femme aux cheveux blancs et à l'air bienveillant, comme si elle venait d'un autre temps, un témoin silencieux de toutes les vies qui se sont éteintes autour d'elle. Son visage est marqué, non par les douleurs de la vie, mais par une sagesse apaisante.

Jonas prend une seconde pour détailler cette apparition inattendue, puis il laisse échapper un murmure, presque imperceptible :

— Oui, Madame. Je viens juste rendre visite à... ma famille.

Il peine à articuler ces mots. Les souvenirs de ses grands-parents remontent à la surface avec une violence qu'il ne peut pas contrôler. Leur perte l'a brisé de manière qu'il n'arrive toujours pas à comprendre. Et malgré le temps qui passe, le manque est toujours aussi vif, comme une plaie qui ne guérit jamais vraiment.

L'étrangère, captant la douleur dans sa voix, pose sa main frêle sur son avant-bras. Ce geste, empreint de douceur, le fait légèrement tressaillir. Il n'a pas l'habitude de recevoir de la tendresse, encore moins de la part d'une inconnue. Mais il ne recule pas. Il accepte ce réconfort silencieux, reconnaissant.

— Oh, je suis terriblement désolée, s'empresse-t-elle de dire, son ton empreint d'une compassion sincère, presque maternelle.

Il hoche doucement la tête, incapable de trouver les mots justes.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant