Chapitre 76

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Leti dit ça pour alléger l'atmosphère, pour l'aider à passer une soirée sans se tourmenter avec ses pensées sombres. Mais au fond, ces mots résonnent en elle, creusant un espace qu'elle n'a pas encore osé explorer. Est-elle prête à quitter Bertrand ? Après tout ce temps, après avoir investi autant d'énergie dans cette relation, est-elle capable d'abandonner son rêve d'avoir une famille unie et solide ?

Leti, toujours attentive aux moindres changements dans le comportement de son amie, plonge son regard dans le sien. Son regard est plein de compassion, mais aussi d'une fermeté protectrice.

— Tu mérites bien plus, Nel. Ne laisse pas ce gars te faire croire que tu n'as pas de choix.

Sa voix se fit plus douce, mais ferme, comme une promesse.

— Tu as construit une vie ici. C'est ta maison, ton monde, et c'est à toi de décider qui en fait partie.

Nelly hoche la tête doucement, mais son cœur, lui, est encore emprisonné dans un tourbillon d'incertitudes. Les menaces de Bertrand, la possibilité de tout perdre : Louis, la maison, capuchon... Elle avait aimé Bertrand, différent de Jonathan mais elle l'avait soutenue, épaulée, encouragé... pour quel résultat aujourd'hui ? Désormais, tout cela semblait si lointain, si flou, comme si la version d'eux qu'elle avait dans sa tête ne correspondait plus à la réalité.

— Je... je ne sais plus ce que je ressens pour lui, Leti, avoue-t-elle dans un murmure, comme si elle avait enfin trouvé le courage de dire tout haut ce qu'elle gardait en elle depuis si longtemps. Je suis fatiguée de me battre pour quelqu'un qui ne me voit pas.

— Alors arrête de te battre, lui conseilla Leti avec douceur, ses bras toujours autour d'elle, comme un bouclier contre le monde extérieur. Il est temps que tu penses à toi, à ce que tu veux vraiment.

Nelly serre un peu plus fort son fils contre elle, sentant ses petites mains s'agripper à son cou. C'est ça, sa priorité, son ancre... Comment peut-elle lui imposer ses incertitudes. Quelle vie peut-elle lui offrir sans le salaire de Bertrand ?

— Je ne veux pas quitter cette ville, murmure-t-elle, comme si le dire à voix haute lui permettait enfin de l'accepter pleinement.

— Alors ne le fais pas, réplique Leti avec un sourire tendre. Il y a des choses qui valent la peine qu'on se batte pour elles... et parfois, la meilleure chose qu'on puisse faire, c'est de laisser tomber ce qui nous retient en arrière.

Nelly hoche la tête, laissant les mots de Leti se frayer un chemin dans son esprit. Bien sûr, ça semble si facile sur le papier mais... Nelly a bien conscience que Bertrand ne sera pas d'accord avec ce raisonnement.

Leticia observe Nelly avec attention, son amie paraît épuisée, le visage tiré, les épaules affaissées. Leticia n'aime pas la voir dans cet état. Alors, fidèle à elle-même, elle tente de redonner un peu de légèreté à l'atmosphère.

— Allez, je te sers un bout de flan aux courgettes, ça te va ? propose-t-elle en sortant une assiette du frigo, l'air faussement enjoué.

Nelly esquisse un sourire, mais il est à peine perceptible. Ses yeux trahissent une lassitude plus profonde, une fatigue émotionnelle qui la ronge. Elle secoue la tête doucement.

— Je n'ai pas très faim... murmure-t-elle, sa voix basse, presque absente.

Leticia, refusant de laisser tomber, se plante devant elle, les mains sur les hanches. Son regard se fait plus insistant.

— Il faut que tu manges, Nel. Tu te rends compte que bientôt tu pourras te cacher derrière un poteau ? Regarde-toi ! ajoute-t-elle avec un sourire taquin, espérant la faire réagir.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant