Chapitre 61

26 4 6
                                        

Bertrand est rentré. La voiture est garée négligemment sur le trottoir, un détail banal, mais révélateur du chaos émotionnel qui l'attendait à l'intérieur. Le cœur de Nelly se serre en voyant le véhicule. Elle s'arrête quelques secondes, rassemblant son courage avant d'entrer. Dès qu'elle franchit le seuil de la porte, la tension dans l'air était palpable, lourde et étouffante.

Bertrand fait les cent pas dans le salon, l'air tendu, comme un prédateur en cage.

— Où tu étais ? lance-t-il d'une voix sèche, presque tranchante, sans même tourner la tête.

Le ton qu'il emploie est suffisant pour faire frémir Nelly, mais pire encore, Louis, blotti contre elle, sursaute et commence à sangloter, sentant la dureté de l'atmosphère sans comprendre pourquoi.

— Chut, mon cœur, c'est rien, maman est là, murmure-t-elle d'une voix douce, presque un murmure apaisant destiné à son fils, mais aussi à elle-même.

Elle lève une main vers Bertrand, dans un geste désespéré pour lui demander un peu de patience, avant de retirer ses chaussures et monter à l'étage. Tout en apaisant Louis, elle sent son propre cœur battre à un rythme désordonné, comme une alarme interne qui ne cessait de retentir.

Les larmes de Louis se calment rapidement sous les bercements de Nelly, sa respiration retrouvant peu à peu son calme. C'est sa mission la plus précieuse : protéger son fils de ces moments, de ces tempêtes silencieuses qui dévorent peu à peu sa vie de couple. Mais qui la protège, elle ? Cette question lui brûle l'esprit chaque fois qu'elle le berce. Elle ne peut en vouloir qu'à elle-même de ne pas révéler ce qu'elle subit une fois passer la porte de chez eux...

Quand elle redescend, Bertrand était là, accoudé au plan de travail de la cuisine, un verre de whisky à la main. Elle déteste cette scène, déteste ce rituel qui annonce toujours des paroles dures, des disputes amplifiées par l'alcool. Il buvait déjà peu, mais chaque gorgée le transformait en quelqu'un de plus sombre.

— Alors ? insiste-t-il, son regard devenant plus perçant.

Nelly inspira profondément. Elle sent l'orage se rapprocher.

— J'ai travaillé jusqu'à vingt et une heure quinze à peu près, puis je suis allée chercher Louis chez Leticia. Nous avons un peu discuté de sa journée, répondit-elle, essayant de rester calme, de ne pas allumer la mèche déjà courte.

— Il est un peu plus de vingt-deux heures, Nelly !

Son ton s'élève, agressif.

— Je n'ai pas mangé ! J'ai faim, et rien n'est prêt !

Elle le regarde longuement, silencieuse, cherchant une once de compréhension dans ses yeux, mais n'y trouve que du reproche. Pourquoi laisse-t-elle toujours la situation dégénérer ainsi ? Elle secoue la tête légèrement et s'éloigne de lui, tentant de préserver une forme de paix précaire. Elle ouvre le congélateur avec un calme étudié, en sortant un plat qu'elle a préparé plus tôt dans la semaine. Les lasagnes au saumon, un repas qu'il aime d'ordinaire. Elle s'apprête à les décongeler quand une main froide se pose brusquement sur sa nuque, la fige sur place. Bertrand se penche et la renifle, un geste bestial qui la fait frissonner d'effroi. Avant qu'elle ne puisse réagir, il la retourne d'un coup sec et serre sa gorge, juste assez pour lui couper partiellement le souffle.

— Pourquoi tu sens son odeur ? grogne-t-il, ses yeux injectés de suspicion et de rage.

— Quoi ? croasse-t-elle, le souffle court, ses yeux écarquillés par la peur autant que par la douleur.

— Jonas ! rugit-il. Tu sens comme lui !

Le cœur de Nelly s'emballa, battant si fort dans sa poitrine qu'elle a l'impression qu'il va exploser. Elle tente de parler, la gorge serrée par l'emprise de Bertrand.

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant