Chapitre 57

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Nelly sent une vague de colère monter en elle, incontrôlable, écrasante. Ses émotions s'entrechoquent : douleur, tristesse, incompréhension, rage. Les larmes jaillissent de ses yeux comme un torrent, et d'un geste presque violent, elle essuie son visage à l'aide du dos de sa main, mais elles continuent de couler, encore et encore, comme si elle ne pouvait arrêter ce flot de désespoir.

— Pourquoi ? hurle-t-elle soudain, la voix brisée par les sanglots, son regard troublé se posant sur son père. Pourquoi a-t-elle fait ça, Papou ? Pourquoi elle m'a volé tout ça... ?

Ses mains tremblent alors qu'elle serre les lettres contre elle, comme si elle cherchait à combler un vide que rien ne pourrait jamais remplir. La vérité est dure à encaisser. Ces mots qu'elle n'a jamais lus, ces pensées que Jonathan a soigneusement consignées, lui ont été enlevés. Son propre passé dépouillé, et maintenant, face à la réalité crue, elle ne sait plus comment réagir. Elle vacille, comme une enfant démunie devant l'injustice de la vie.

Pierre, debout à ses côtés, se tord les mains, visiblement mal à l'aise. Il est impuissant face à la douleur de sa fille. Il voudrait pouvoir la consoler, la prendre dans ses bras comme lorsqu'elle était petite, lui dire que tout va s'arranger. Mais les mots lui manquent, car il sait qu'il ne peut rien réparer. Il ne peut pas ramener le temps perdu, il ne peut qu'offrir sa présence.

— Je suis désolé, ma chérie, souffle-t-il d'une voix rauque, pleine de remords. Je n'aurais peut-être pas dû te les montrer... je ne voulais pas raviver cette douleur.

Nelly secoue la tête violemment, les larmes ruisselant toujours sur ses joues rougies. Son cœur bat à tout rompre dans sa poitrine, partagé entre l'envie de hurler et celle de tout abandonner. Mais elle sait qu'il fallait qu'elle voie ces lettres. Il le fallait. Cela fait trop longtemps qu'elle ignore la vérité, qu'elle vit dans cette illusion créée par les secrets de sa mère.

— Si... si, Papou.

Sa voix tremble, mais elle se fait plus douce, plus posée.

— C'est bien.

Elle renifle bruyamment, essuyant encore une larme avant de baisser les yeux vers la boîte.

— Je devais les voir... je devais savoir.

Elle attrape une deuxième lettre, sa main tremblante glisse sur le papier, sur ces traces de vie qu'elle n'a jamais eues la chance de découvrir. Les larmes recommencent à couler alors qu'elle observe le cachet postal, l'enveloppe un peu abîmée, comme si elle avait traversé un long chemin avant d'atterrir dans cette boîte. Elle imagine Jonathan écrivant ces lettres, lointain, espérant une réponse qui n'est jamais venue.

Elle inspire profondément et, d'un geste hésitant, elle déchire délicatement l'enveloppe, révélant le papier jauni à l'intérieur. Ses doigts frémissent alors qu'elle déplie la lettre, une sensation presque irréelle s'emparant d'elle. Les mots de Jonathan semblent flotter sur la page, et bien qu'elle ne les ait pas encore lus, elle sent déjà l'intensité des émotions qu'ils contiennent.

— Lettre numéro quatre, mon ange... , commence-t-elle à lire, sa voix cassée par l'émotion.

Lettre numéro 4.

Mon ange,

Bien sûr, tu n'as sans doute pas encore reçu mes lettres, mais je me languis d'avoir de tes nouvelles.

Ici, la scolarisation est vraiment différente, mais je m'adapte. Heureusement pour moi, j'ai grandi dans une famille bilingue, sinon, je serais perdu. J'ai l'impression de jouer dans une série américaine... mais non, tout ceci est bien réel. C'est ma nouvelle vie ! Pour m'aider à m'« intégrer », mes grands-parents m'ont inscrit dans un cours de sport de combat et au théâtre, afin, disent-ils, de me « décoincer ». Super, les vieux, hein...

Joue-moi, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant