17-Le poids du passé

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Chapitre 17

Le lendemain de l'incident avec Noah, je me réveillai avec un étrange sentiment d'inquiétude, mêlé d'une excitation que je n'osais pas encore pleinement accepter. Gabriel et moi étions dans un moment de flottement, où les mots semblaient moins importants que les gestes, où nos regards se faisaient plus intenses sans que l'on comprenne vraiment pourquoi.

En arrivant au café ce matin-là, je fus surprise de le voir déjà là, assis à une table près de la fenêtre. Il semblait pensif, le regard perdu dans la vue qu'offrait la grande baie vitrée du café. Lorsqu'il me vit entrer, un sourire apparut sur son visage, mais cette fois, il y avait quelque chose de différent dans son regard. Une tendresse que je n'avais jamais vue chez lui auparavant.

Je posai mes affaires derrière le comptoir et m'approchai doucement. « Tu es matinal, aujourd'hui. »

Il haussa les épaules, un sourire énigmatique aux lèvres. « J'avais besoin de réfléchir un peu. Et cet endroit est devenu... confortable. »

Je lui souris en retour, sans dire un mot de plus. Nous partagions un moment silencieux, l'un de ces instants où les mots n'ont pas leur place, où le silence parle bien plus fort que n'importe quelle phrase.

La matinée passa rapidement, remplie de clients pressés et de commandes de cafés à emporter. Gabriel restait là, me jetant de temps en temps des regards intrigués, comme s'il cherchait à comprendre quelque chose en moi. Puis, en début d'après-midi, alors que le café s'était vidé et que j'essuyais les tables, il se leva pour s'approcher du comptoir.

« Anna, est-ce que tu as un moment après ton service ? » demanda-t-il d'un ton calme, mais ses yeux étaient remplis d'une intensité qui me troublait.

Je fronçai les sourcils, prise au dépourvu. « Pourquoi ? Tu as quelque chose en tête ? »

Il baissa légèrement le regard, jouant avec le coin du menu posé sur le comptoir. « J'aimerais t'emmener quelque part. Un endroit que j'aime bien. Je pense que... ça te plairait. »

Il y avait quelque chose de vulnérable dans sa demande, et cela me toucha plus que je ne voulais l'admettre. J'hochai la tête, un sourire aux lèvres. « D'accord. Je termine dans une heure. »

Le temps me sembla s'écouler avec une lenteur exaspérante, comme si chaque minute s'étirait volontairement pour me faire languir. Enfin, lorsque mon service fut terminé, je rejoignis Gabriel à l'extérieur. Il m'attendait, adossé contre le mur du café, les mains dans les poches et l'air mystérieux.

« Alors, où est-ce qu'on va ? » demandai-je en essayant de cacher mon excitation.

Il me sourit et désigna sa moto garée un peu plus loin. « Monte, tu verras bien. »

Je le suivis sans hésitation, ressentant un frisson d'excitation en montant derrière lui. Le moteur ronronna, et nous nous lançâmes sur les routes sinueuses de la campagne, laissant derrière nous le bruit et l'agitation de la ville. Le vent caressait mon visage, et je me sentais étrangement libre, comme si rien d'autre n'importait que cet instant partagé avec lui.

Nous roulâmes ainsi pendant près de vingt minutes, jusqu'à ce qu'il s'arrête près d'une petite clairière. Le moteur s'éteignit, et un silence enveloppant nous engloutit. Je descendis de la moto, un peu déconcertée. Tout autour de nous, des arbres gigantesques formaient une sorte de cocon naturel, isolant cet endroit du monde extérieur.

Gabriel s'approcha d'un grand rocher, un sourire malicieux aux lèvres, et se retourna vers moi. « J'ai découvert cet endroit par hasard, il y a quelques années. Je viens ici quand j'ai besoin de me vider l'esprit. »

Il me fit signe de le suivre. J'escaladai le rocher avec lui, et une fois au sommet, la vue me coupa le souffle. Au-delà des arbres, on pouvait voir toute la vallée s'étendre à perte de vue, baignée par les rayons dorés du soleil couchant. C'était paisible, presque irréel.

« C'est magnifique, Gabriel, » murmurai-je, encore émerveillée.

Il sourit, semblant satisfait de ma réaction. « Je savais que ça te plairait. Ici, on peut laisser de côté tout le reste, juste profiter de l'instant. »

Je le regardai en silence, surprise par cette facette de lui, plus sensible et sereine que ce qu'il laissait paraître en général. Gabriel, celui que je pensais être arrogant et un peu insaisissable, avait un côté vulnérable que je n'avais jamais soupçonné.

Il s'assit à côté de moi sur le rocher, et nous restâmes un moment sans parler, les yeux rivés sur l'horizon. L'air frais de la forêt me donnait une sensation de liberté, et sa présence à mes côtés semblait calmer mes doutes et mes insécurités. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais en paix.

Après quelques instants, Gabriel rompit le silence. « Anna, je voulais m'excuser. »

Je me tournai vers lui, surprise. « Pour quoi ? »

Il baissa les yeux, jouant distraitement avec un petit caillou qu'il tenait entre ses doigts. « Je sais que j'ai parfois été un peu... brusque. Peut-être même agaçant. » Il releva la tête, ses yeux plongeant dans les miens. « Mais ce n'était jamais mon intention de te faire fuir. En fait... » Il hésita, comme s'il pesait chacun de ses mots. « En fait, j'ai réalisé que j'étais plus moi-même quand je suis avec toi. »

Mon cœur se serra, surpris par cette confession inattendue. J'avais souvent vu Gabriel comme un homme sûr de lui, parfois même un peu trop. Mais derrière cette façade, il semblait y avoir quelqu'un de plus profond, de plus sincère, que je n'avais pas encore découvert.

« Moi aussi, Gabriel. Tu sais... je pensais que je te détestais, au début. Mais j'ai découvert que tu es plus... plus que ce que je pensais. »

Il laissa échapper un léger rire. « Je suis content de savoir que tu ne me détestes pas vraiment, alors. »

Nous échangeâmes un sourire, et un silence complice s'installa entre nous. Lentement, il tendit la main vers moi, et je la pris sans hésiter. C'était un simple geste, mais il résonnait en moi comme une promesse de quelque chose de plus grand. Nos doigts entrelacés, nous restâmes ainsi, assis côte à côte, face à l'horizon, chacun plongé dans ses pensées.

Peu à peu, le soleil se couchait, peignant le ciel de nuances d'or et de rose. C'était comme si le monde autour de nous disparaissait, ne laissant que nous deux, unis dans ce moment unique.

Sans même m'en rendre compte, ma tête s'appuya contre son épaule. Il ne bougea pas, acceptant ce geste, et je sentis son souffle se calmer, presque en rythme avec le mien. C'était comme si, pour la première fois, je trouvais un équilibre, une paix intérieure, un sentiment de sécurité que je n'avais jamais ressenti auparavant.

Puis, doucement, Gabriel murmura : « J'aimerais que ce moment dure pour toujours. »

Je fermai les yeux, savourant cet instant, souhaitant moi aussi qu'il ne prenne jamais fin.

mon voisin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant